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à outrance. À ce propos, j’exprime le regret que M. Mézières ait passé sous silence la démarche que j’ai faite auprès du maréchal le 15 octobre, lorsque nous entendions le canon du côté de Toul, et que j’ai proposé de profiter de cette circonstance pour marcher au combat. Cet incident pouvait être connu de M. Mézières, puisque je l’ai relaté dans la brochure que cite l’auteur ; mais ce qui est moins connu, c’est que j’ai pris souvent la liberté de dire à M. le maréchal quels étaient les mauvais résultats de l’inaction de l’armée pendant le mois de septembre. Et comme, en de si graves questions, j’estime qu’un homme sérieux ne doit rien avancer sans preuves, je citerai une lettre que m’adressait M. le maréchal, en date du 29 septembre, dans laquelle il déterminait la composition de la garnison en cas de départ de l’armée, et il ajoutait : « Avec ces forces, vous serez largement en mesure de remplir dans toute son étendue la mission qui vous a été confiée, et vous pourrez même en mobiliser une partie pour entreprendre autour de la place les petites opérations dont vous m’avez entretenu plusieurs fois, et qui intéressent si vivement la population. »

Continuant son récit, M. Mézières nous parle de cette vaillante cité, si digne du plus touchant intérêt, et donne des détails sur les actes de la population, du conseil municipal et du commandant supérieur de Metz. On est péniblement surpris de voir un écrivain aussi pénétrant et aussi logique que M. Mézières reproduire les injustes accusations qui ont été lancées contre le commandant supérieur. Il était cependant facile de voir que d’aussi grandes erreurs ne poussaient être commises que par des esprits troublés par un immense désastre, par une sorte de cataclysme qui oblitère le jugement, et porte souvent les masses à chercher un soulagement dans la vengeance qu’elles exercent sur une victime quelconque désignée sans discernement.

Il est certainement hors de doute que les Messins sont les plus à plaindre de tous les Français, puisqu’ils ont été directement victimes de nos défaites, et puisque leurs nobles sentimens de patriotisme ont été cruellement froissés par la perte de leur nationalité, sans pouvoir même se défendre. Tous nos cœurs souffrent horriblement du malheur de ces frères tant aimés ; mais qu’ils me permettent de leur dire que leur douleur les égare lorsqu’ils viennent s’en prendre à celui qui n’a cessé de défendre leurs intérêts, et qui a partagé leurs cruelles angoisses. Avec un peu de réflexion, ils reconnaîtront qu’il est injuste de soupçonner un homme honnête qui compte plus de quarante ans d’honorables services, qui a parcouru cette longue carrière et occupé divers emplois publics sans donner sujet à la moindre critique, qui portait un intérêt tout particulier à la place de Metz, et qui n’a jamais été engagé dans aucun parti politique. Nos désastres prouvent assez que de grandes fautes ont été commises ; mais, dans votre désespoir, n’allez point les