Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/707

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

charges que les événemens lui infligent ? Il n’est peut-être pas mauvais au contraire qu’elle fasse cet apprentissage de la responsabilité. Et puis, quand on dit que les Français songeront moins à se plaindre d’un impôt divisé à l’infini, est-ce bien certain ? Il est fort à craindre qu’on ne se plaigne toujours, et on ne se plaindrait peut-être pas beaucoup plus en ayant à payer une contribution un peu dure, un peu lourde, mais temporaire, qu’en rencontrant l’impôt à chaque pas et sous toutes les formes, sous la forme d’une allumette ou de la feuille de papier timbré exigée plus que jamais pour la plus simple pétition. Il faut payer, voilà qui est sûr, voilà ce qu’il faut que tout le monde sache, la difficulté est de savoir quel est le meilleur système, de payer d’un coup, au risque de sentir momentanément le sacrifice, ou de payer en détail au risque de rester indéfiniment sous le poids de charges minutieusement absorbantes. Toujours est-il que la question mérite au moins d’être examinée, que la situation financière, toute garantie qu’elle soit par la probité et par les ressources naturelles de la France, est loin d’être éclaircie, et que l’assemblée s’est séparée récemment sans avoir abordé l’ensemble de ces problèmes, dont la solution dépend après tout de ce qu’on fera d’abord pour assurer la paix publique, pour rendre l’activité au travail, la vie à tous les intérêts, la confiance aux esprits.

Et maintenant d’ici au 4 décembre l’assemblée a pris congé des affaires, elle n’a plus à s’occuper de toutes ces questions qu’elle a laissées derrière elle en partant, et qu’elle retrouvera plus pressantes que jamais à son retour. Pour le moment, le silence est à Versailles, où le gouvernement s’occupe seul de suivre la marche des choses ; la politique n’est plus dans les discussions parlementaires, dans ces conflits qui éclataient par intervalles et qui ne laissaient pas quelquefois d’être inquiétans, la politique est un peu partout aujourd’hui. Elle est dans les élections départementales qui se préparent, dans les perplexités de l’opinion, dans le travail des esprits interrogeant l’avenir, dans toutes ces rumeurs qui profitent du silence des débats législatifs pour se répandre et réveiller les curiosités fatiguées. Oui, c’est là particulièrement un fait tout actuel, les élections se préparent pour les conseils-généraux, les candidatures sont en mouvement dans chaque canton de France, et ces élections, qui ont toujours de l’intérêt pour le pays, ne laissent pas d’avoir aujourd’hui une importance plus marquée. D’abord c’est la première fois que la loi récemment votée par l’assemblée nationale va recevoir son application, et cette loi, on le sait, donne aux conseils des départemens des prérogatives nouvelles, des attributions plus étendues, elle crée surtout une commission départementale presque permanente placée à côté du préfet et contenant ou contrôlant son pouvoir. C’est toute une expérience qui va se faire. En outre ces conseils-généraux, qui sortiront du scrutin du 8 octobre, vont trouver devant eux une besogne à peu près semblable à celle que l’assemblée nationale est obligée d’ac-