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REPENTIR


J’aimais froidement ma patrie
Au temps de la sécurité ;
De son grand renom mérité
J’étais fier sans idolâtrie.

Je m’écriais avec Schiller :
« Je suis un citoyen du monde ;
En tous lieux où la vie abonde,
Le sol m’est doux et l’homme cher !

Des plages où le jour se lève
Aux pays du soleil couchant,
Mon ennemi, c’est le méchant,
Mon drapeau, l’azur de mon rêve !

Où règne en paix le droit vainqueur,
Où l’art me sourit et m’appelle,
Où la race est polie et belle,
Je naturalise mon cœur ;

Mon compatriote, c’est l’homme ! »
Naguère ainsi je dispersais
Sur l’univers ce cœur français :
J’en suis maintenant économe.

J’oubliais que j’ai tout reçu,
Mon foyer et tout ce qui m’aime,
Mon pain, et mon idéal même,
Du peuple dont je suis issu,

Et que j’ai goûté dès l’enfance
Dans les yeux qui m’ont caressé,
Dans ceux même qui m’ont blessé,
L’enchantement du ciel de France !