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singe ne sont guère plus grotesques que ceux qui font l’admiration des sauvages. Lorsqu’ils ne chargent pas leur nez d’anneaux ou leurs lèvres d’un bâtonnet, ils déforment la tête des enfans, ils se cassent quelques dents ou noircissent tout leur râtelier. Ce Cochinchinois fait peu de cas de la femme de l’ambassadeur anglais parce qu’elle a « les dents blanches comme un chien et une peau rose comme la fleur de la pomme de terre. » D’après Burton, les Somali, pour prendre femme, font ranger de front les aspirantes et choisissent celle qui fait saillie de tergo.

La loi du combat (law of battle) règne dans le monde des animaux avec une uniformité caractéristique, et fait de la reproduction de l’individu un droit souvent chèrement payé. Il y a des espèces particulièrement belliqueuses : telle cette perdrix (ortigornis gularis) dont le mâle possède des ergots acérés ; on n’en tue guère qui n’aient la poitrine couverte de cicatrices d’anciennes blessures. Chez les sauvages, la possession d’une femme est un constant sujet de rixes, sinon de guerres ; il en fut ainsi partout dans les temps primitifs :

Nam fuit ante Helenam mulier teterrima belli
Causa…

Chez les Peaux-Rouges, c’est encore le droit du plus fort qui décide à qui doit appartenir une jeune fille. Azara raconte que dans l’Amérique du Sud les Indiens ne se marient guère avant l’âge de vingt ans, parce qu’ils sont obligés d’attendre qu’ils aient la vigueur nécessaire pour triompher de leurs rivaux. Les gorilles se combattent entre eux d’une manière analogue ; ils défendent leur sérail à coups de dents. Les canines démesurées que l’on voit quelquefois apparaître chez l’homme sont un retour par atavisme, qui rappelle les mœurs de ses ancêtres. Ce n’est que peu à peu, à mesure que l’espèce humaine s’est habituée à la station debout, que les mâchoires ont diminué de volume, et que les dents se sont réduites à des proportions discrètes.

En résumé, les mâles se distinguent donc des femelles par une foule de particularités en dehors des caractères sexuels proprement dits ; ce sont tantôt des armes qui leur servent à lutter contre leurs rivaux, tantôt des ornemens ou des qualités quelconques propres à séduire les femelles. Ces caractères sexuels secondaires ne s’accusent généralement que vers l’âge de la reproduction, souvent ils n’apparaissent que pendant la période des amours ; ils existent quelquefois chez les femelles à l’état rudimentaire. Les jeunes des deux sexes n’offrent pas encore ces différences ; ils ressemblent à la mère. On peut admettre que ces caractères secondaires sont acquis par la sélection sexuelle. Les lois de l’hérédité décident si les propriétés gagnées par l’un des deux sexes seront transmises au même sexe seulement, ou bien à tous les deux indistinctement. L’âge critique où ces caractères font leur apparition y est pour beaucoup ; les variations qui n’apparaissent qu’à un âge avancé se