légal. Charles X seul renversa cet ordre sans la moindre nécessité, aussi bien que contre tout droit.
Quant à la question de dynastie après l’abdication de Charles X et du dauphin, je n’hésite pas à redire ici ce que j’en ai dit, il y a douze ans, dans mes Mémoires[1] ; l’expérience de tout ce qui s’est passé depuis, second empire et république, n’a fait que me confirmer dans ce que je pensais alors.
« C’eût été certainement, disais-je en 1859, un grand bien pour la France, et de sa part un grand acte d’intelligence comme de vertu politique, que sa résistance se renfermât dans les limites du droit monarchique et qu’elle ressaisît ses libertés sans renverser son gouvernement. On ne garantit jamais mieux le respect de ses propres droits qu’en respectant les droits qui les balancent, et quand on a besoin de la monarchie, il est plus sûr de la maintenir que d’avoir à la fonder ; mais il y a des sagesses difficiles qu’on n’impose pas à jour fixe aux nations et que la pesante main de Dieu, qui dispose des événemens et des années, peut seule leur inculquer. Partie du trône, une grande violation du droit avait réveillé et déchaîné tous les instincts ardens du peuple. Parmi les insurgés en armes, la défiance et l’antipathie pour la maison de Bourbon étaient profondes. Les négociations tentées par le duc de Mortemart ne furent que des apparences vaines ; malgré l’estime mutuelle des hommes et la courtoisie des paroles, la question d’un raccommodement avec la branche aînée de la famille royale ne fut pas un moment sérieusement débattue. L’abdication du roi et du dauphin vint trop tard. La royauté de M. le duc de Bordeaux, avec M. le duc d’Orléans pour régent, qui eût été non-seulement la solution constitutionnelle, mais la plus politique, paraissait aux plus modérés encore plus impossible que le raccommodement avec le roi lui-même. À cette époque, ni le parti libéral ni le parti royaliste n’étaient assez sages, ni le régent assez fort pour conduire et soutenir un gouvernement à ce point compliqué, divisé, agité. La résistance d’ailleurs se sentait légale dans son origine, et se croyait assurée du succès, si elle poussait jusqu’à une révolution. Les masses se livraient aux vieilles passions révolutionnaires, et les chefs cédaient à l’impulsion des menaces. Ils tenaient pour certain qu’il n’y avait pas moyen de traiter sûrement avec Charles X, et que, pour occuper son trône, ils avaient sous la main un autre roi. Dans l’état des faits et des esprits, on n’avait à choisir qu’entre une monarchie nouvelle et la république, entre M. le duc d’Orléans et M. de Lafayette. — Général, dit à ce dernier son petit-gendre, M. de Rémusat, qui était allé le voir à l’Hôtel de Ville, si l’on fait une monarchie, le duc d’Orléans sera
- ↑ Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps, t. II, p. 10-12.