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LE
DUC DE BROGLIE

SECONDE PARTIE[1]

Non-seulement le duc de Broglie, en se séparant de la portion la plus ardente et la plus obstinée du parti libéral, avait accepté sérieusement la restauration avec la charte ; il avait poussé encore plus loin la modération et l’esprit politique : il avait regretté la chute des ministères du duc de Richelieu et de M. de Martignac. Il avait compris que l’union des deux centres, c’est-à-dire la formation et la prépondérance, dans les chambres et dans le pays, d’un grand parti monarchique et constitutionnel, conservateur et libéral, était le seul moyen de fonder un gouvernement libre, et d’épargner à la France ces crises révolutionnaires si souvent renouvelées, qui coûtent toujours, en fait de liberté comme de prospérité, de moralité comme de bonheur, bien plus qu’elles ne rapportent ; mais en même temps qu’il avait acquis cette expérience et cette prévoyance politique, le duc de Broglie était resté très fidèle à la grande cause nationale de 1789, soigneux de son honneur et bien résolu à la défendre toutes les fois qu’elle serait attaquée. L’avènement du ministère Polignac lui était donc antipathique à deux titres divers : pour la monarchie constitutionnelle et la restauration elle-même, c’était sortir certainement de la politique modérée et prudente, et presque certainement de la politique légale ; pour la France libérale, c’était la reporter aux luttes mêmes de 1789, aux noms propres qui les avaient tristement signalées, aux préjugés et aux passions

  1. Voyez la Revue du 15 septembre.