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que, « quand les places de présidens et autres gens du parlement vaqueront, ceux qui y seront mis soient pris par élection. » La même ordonnance ajoutait que les baillis et sénéchaux, qui étaient les juges des provinces, seraient élus aussi par le parlement ; le roi ne se réservait que le droit de donner aux élus la nomination officielle. L’usage s’établit, à la vérité, de présenter pour chaque vacance deux ou trois candidats au roi ; mais les ordonnances permettaient toujours au parlement de n’en présenter qu’un. Il y a même une ordonnance de Charles VII, en 1446, qui enjoint au parlement, dans le cas où il présenterait plusieurs candidats pour une même place, de désigner clairement celui d’entre eux qu’il préfère, « afin, dit le roi, que mieux puissions avoir avis à pourvoir audit office. » Louis XI en 1465 confirma cette règle de l’élection, ce qui ne l’empêcha sans doute pas de la violer plus d’une fois. Nous lisons dans une ordonnance de Louis XII à la date de 1498 : « Avant que nul puisse être pourvu d’aucun office de président ou conseiller de nos cours, il est expressément requis qu’il soit élu et nommé par nos dites cours, et en faisant lesdites élections nos présidens et conseillers jureront sur les saints Évangiles de Dieu d’élire sur leur honneur et conscience celui qu’ils sauront être le plus lettré, expérimenté, utile et profitable pour lesdits offices. » Le roi se réservait, il est vrai, la faculté de nommer quelquefois lui-même un magistrat ; mais il fallait alors que le magistrat désigné par le roi subit un examen devant le parlement, et l’ordonnance disait formellement : « S’il m’est trouvé ydoine, suffisant ni capable, ne sera reçu. »

Tout en reconnaissant que la pratique ne pouvait pas répondre avec une parfaite exactitude à ces principes, on voit pourtant qu’au XVe siècle la France avait un corps de magistrats qui était inamovible, indépendant, et qui en général se recrutait lui-même par voie d’élection ou d’examen. Il en fut autrement dans le siècle qui suivit. On sait qu’une révolution dans le sens monarchique fut opérée par François Ier et Henri II, reprise ensuite et achevée par Richelieu et Louis XIV. Les vieilles traditions du moyen âge furent abandonnées : la noblesse perdit ses prérogatives, la bourgeoisie ses franchises, le clergé l’élection de ses évêques ; on essaya de faire oublier les états-généraux, et les assemblées provinciales ne furent plus qu’une formalité. Tout plia et se soumit ; une seule chose en France échappait à l’omnipotence de cette royauté absolue : ce fut la magistrature.

Le 31 janvier 1522, François Ier, dans un besoin pressant d’argent, créa au sein du parlement de Paris une nouvelle chambre qu’il composa de deux présidens et de dix-huit conseillers, et il exigea que chacun de ceux qu’il nommait à ces charges lui fît un