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attendre encore de ces bonnes intentions des résultats comme ceux que nous devons aux professeurs de la Serbie, dont plusieurs sont des savans très estimables. Ni la Dauna (le Danube), ni l’Adrianopolis, journaux bulgares qui viennent de se fonder, ne sauraient se comparer au Glasnick de Belgrade ; mais il y a commencement à tout, et qui eût espéré, il y a quelques années, d’aussi grands efforts ? Il ne faut jamais oublier que tous les réveils de nationalité en Turquie commencent par les écoles. Dans un grand nombre de villages grecs de Roumélie, on voit encore une grande carte très imparfaite de la Grèce ancienne, de la Thrace et de la Macédoine. Elle est l’œuvre du patriote Rigas Phéraios, qui trente ans avant la guerre de l’indépendance la répandit dans toutes les parties de l’empire ottoman. C’est là une précieuse relique ; combien n’a-t-elle pas contribué à fortifier dans les cœurs le désir de l’affranchissement ! C’était la gloire des ancêtres que leurs fils soumis à un maître infidèle avaient ainsi à toute heure sous les yeux.

Les journaux de Péra et d’Athènes ne cessent d’entretenir leurs lecteurs des querelles du patriarche de Constantinople et des Bulgares de l’église orthodoxe grecque. Malgré toutes les subtilités de la chancellerie du Phanar, — le Phanar est la Cité Léonine du schisme d’Orient, — malgré l’habileté de ses déclarations, il est facile de voir quel est le fond du débat. Les Bulgares sont gouvernés par des évêques de race hellénique qui ne se préoccupent pas du tout des intérêts de leurs fidèles de langue slave. Ils demandent des chefs ecclésiastiques pris dans leur sein ; pour se soustraire tout à fait à l’autorité de Constantinople, ils aspirent à former un synode national qui nomme un président et décide de toutes les questions religieuses. En un mot, quels que soient les points de détail auxquels la discussion paraît s’arrêter, ils veulent former, comme on dit en Orient, une église autocéphale, maîtresse d’elle-même.

En Orient, chaque fois qu’une nationalité se constitue, elle se sépare du patriarcat, et cela sans former un schisme. C’est ainsi que le phanar n’a plus aucune autorité sur les Russes, que les Serbes ont constitué une église indépendante. Le royaume hellénique lui-même ne reconnaît pas la suprématie du siège de Constantinople. Les évêques et les archevêques grecs en pays bulgare sont des fermiers ecclésiastiques ; ils n’ont guère d’autre préoccupation que de toucher l’argent qui leur est dû, et c’est là une grosse affaire, car ils ont droit à de nombreuses redevances. En tant d’années, ils n’ont pas fondé une seule école pour les enfans, un seul séminaire pour les prêtres ; ils imposent au clergé inférieur pour les offices la langue grecque, qu’il ne comprend pas : ils sont responsables en grande partie du triste état dans lequel ce peuple si docile a vécu. On peut voir dans la province de Philippopolis combien