Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/557

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le gymnase central de Philippopolis possède un professeur de français ; mais les progrès des élèves dans cette langue sont moins rapides que ceux des jeunes Turcs à l’école préparatoire d’Andrinople. L’histoire bulgare, qui figure sur les programmes, est nécessairement très incomplète : ce peuple n’a ni traditions personnelles, ni chroniques de quelque valeur ; il ignore son passé : pour s’en instruire, il est réduit à consulter les Byzantins. La seule époque où les Bulgares aient eu une réelle importance dans le monde oriental, celle de Krum, de Mikhaïl et de Siméon, du IXe au Xe siècle, paraît avoir été un temps de puissance militaire où des princes barbares, comparables aux chefs des Huns et des Avares, s’imposaient aux vaincus par le fer et par le feu. S’il y a eu une civilisation bulgare, elle n’a laissé, que je sache, ni une médaille, ni un poème, ni un monument. Je n’ai recueilli dans tout mon voyage que deux inscriptions contemporaines de la monarchie de Krum ; toutes les deux sont en slave et consacrent la dédicace d’une église. On croit en général. que la langue primitive des Bulgares, celle qu’ils parlaient sur les bords du Volga, n’a jamais été écrite. À peine arrivé au sud du Danube, ce peuple a parlé la langue des vaincus ; mais qui pourrait affirmer que l’idiome de la Grande-Boulgarie ou Boulgarie-Noire n’eût pas des affinités étroites avec le slave ?

L’école centrale de Tatar-Bazarjik, instituée après celle de Philippopolis, a les mêmes programmes. Bientôt sont venues les écoles préparatoires ; on en compte aujourd’hui 25 dans cette seule province. Les écoles primaires sont au nombre de 198, 18 pour les filles, 180 pour les garçons. Toutes ces innovations ont demandé une dépense annuelle de 133,000 francs en moyenne ; les Bulgares se sont imposés pour y faire face à raison de 6 piastres (2 francs) par famille ; en même temps on envoyait aux frais de tous des jeunes gens en Europe. En 1867, les Bulgares de la province de Philippopolis comptaient 5 élèves à Paris, 4 à Vienne, 7 en Russie, 2 en Angleterre, 40 à Constantinople.

Il fallait des livres. Le premier ouvrage publié en bulgare ne date que de 1840 ; c’est une traduction de l’Écriture sainte par un moine du monastère de Billa. L’exemple qu’il avait donné resta quelque temps sans imitateurs. Dans ces dernières années, on a imprimé à Routchouk, à Vienne, à Belgrade et en Moldavie des traités d’arithmétique, de petites histoires, d’autres ouvrages élémentaires. La Société biblique de New-York est venue du reste en aide à ce mouvement national, elle a fait traduire la Bible en bulgare ; cette traduction est aujourd’hui assez répandue dans le pays. Quatre pasteurs venus d’Amérique habitent tantôt Andrinople, tantôt Philippopolis ; ils s’attachent beaucoup plus à servir le progrès moral et intellectuel que les doctrines d’une secte particulière, et ainsi ils donnent