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SOUVENIRS
DE
LA ROUMELIE

III[1].
PHILIPPOPOLIS. — LE REVEIL BULGARE.

Geoffroy de Villehardouin, qui chevauchait en Roumanie, — la Roumélie actuelle, — au xiiie siècle, dit que d’Andrinople à Philippopolis on compte trois ou quatre journées. Ce voyage ne se fait pas plus vite aujourd’hui qu’en 1205 ; il faut se résigner aux lenteurs de la route. Du moins en sortant d’Andrinople les paysages deviennent plus variés ; nous avons quitté les solitudes sans limites où s’élèvent à peine d’heure en heure quelques arbres mourans, quelques ponts en dos d’âne sur lesquels depuis des siècles personne n’a passé. Ces steppes ont une réelle grandeur ; elles font songer au désert, mais à un désert auquel manquent le ciel embrasé et la toute-puissance du feu. L’esprit s’endort au milieu de ces plaines ; la lourde torpeur qui vous accable rappelle bien peu la somnolence si chère à ceux qui ont traversé les sables de la Syrie ou de l’Égypte, alors que sous le poids du jour la fatigue physique semble stimuler l’imagination. Dans les pays du soleil, le voyageur, bercé sur sa monture, s’avance au milieu de rêves aussi insaisissables, aussi charmans que les nuages de poussière dorée qui s’élèvent à l’horizon. Dans les régions que nous venons de

  1. Voyez la Revue du 15 juillet et du 15 août.