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et les voitures à 2 chevaux une taxe de 30 francs. C’est un chiffre modéré en comparaison de celui que les Pays-Bas avaient mis sur les chevaux et voitures en 1671, en 1749, en 1781, dates qui correspondent à des nécessités financières exceptionnelles provoquées par la guerre. C’étaient alors des droits allant de 15 à 25 florins par cheval de selle, et le droit était souvent très progressif selon le nombre des chevaux. Vous trouvez aujourd’hui plusieurs pays où cette taxe existe, soit au profit de l’état, soit au profit de la commune. Gand a taxé les chevaux de luxe ; on rencontre un impôt municipal du même genre à Bruxelles, à Dison, à Verviers ; l’Union américaine y a eu recours plus d’une fois. D’après notre loi de 1862, qu’il n’est pas inutile de rappeler dans les circonstances présentes, le maximum de la taxe était pour Paris de 25 francs par cheval, 60 francs par voiture attelée. C’était, suivant des calculs qui paraissent s’éloigner peu de la réalité, une taxe qui n’augmentait guère de plus de 2 pour 100 le coût total annuel d’un équipage. Le produit brut des rôles de 1863 fut de 2,939,895 fr. Il y avait eu 140,000 voitures et 212,000 chevaux imposés. Le chiffre des exemptions accordées avait été très considérable.

Les discussions qui eurent lieu dans les grands corps de l’état, par lesquels l’impôt fut plus d’une fois repoussé avant d’être adopté pour un temps bien court, montrent les dispositions où on est souvent à l’égard de ces taxes en France. L’abus que la démocratie est tentée d’en faire a créé une répugnance qui risque à son tour de dépasser la mesure, et qui s’est appuyée sur des argumens théoriques et pratiques qu’il n’est pas impossible de réfuter. C’est à y répondre que se sont attachés plusieurs des défenseurs de cet impôt. Par exemple, M. Vuitry, outre les raisons spéciales de la taxe, s’appliquait à justifier le caractère imposable des consommations de luxe. Un député, M. Du Mirail, soutenait que le caractère de spécialité n’ôtait rien à la légitimité de cette taxe, chaque impôt de consommation n’atteignant en définitive que la catégorie qui consomme. M. de Lavenay mettait en avant le principe que le procédé de l’impôt, tel que nous le pratiquons, consiste à atteindre le revenu dans les actes extérieurs qui le manifestent. Enfin je citerai comme n’ayant rien perdu de leur force les termes dont se servait un savant légiste, M. Duvergier, pour défendre la loi après qu’elle eut été retirée : « Si en imposant le luxe on empêche la production, il faut s’abstenir ;… mais (pour les voitures et les chevaux) personne n’a jamais prétendu cela, et dans la réalité cela n’a point eu lieu. Il est étrange que l’on montre une si grande circonspection quand il s’agit d’établir un impôt sur le luxe, et qu’on n’hésite pas à établir ou à maintenir des impôts qui atteignent directement et certainement