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exemptés. La Grande-Bretagne présente encore d’autres impôts offrant le même caractère, par exemple deux impôts qu’on peut appeler éminemment britanniques, et qu’il ne serait pas aisé de transplanter chez nous, le premier surtout : je veux parler de l’impôt sur la poudre à cheveux, qui rapporte la somme assez insignifiante de 975 livres sterling pour 1869 (24,375 francs), et de l’impôt sur les armoiries, qui donne pour la même année 68,845 livres sterling (1,721,125 fr.). Rien d’analogue chez nous. Les raisons qui déterminaient Vauban à vouloir imposer les vénérables perruques du temps de Louis XIV ont disparu, et je ne sais jusqu’à quel point on peut rattacher aux impôts de ce genre nos droits sur les concessions et collationnement de titres nobiliaires, sur les autorisations indispensables pour porter un ruban étranger.

Cela me conduit à parler d’un impôt particulier qui a existé chez nous il y a peu de temps, l’impôt sur les voitures de maître et les chevaux de luxe. Cet impôt, adopté en 1862, a été supprimé en 1865 pour des motifs peut-être contestables dans des circonstances financières ordinaires, mais qu’il ne semblait guère possible d’admettre en présence des charges écrasantes que l’indemnité allemande fait peser sur nous. Un grand nombre de budgets hors de France ont adopté cet impôt, et dans des proportions supérieures à celles qu’avait fixées la loi de 1862. Ce droit existe de longue date en Angleterre et dans d’autres pays moins signalés par l’opulence. Pour l’Angleterre, Adam Smith mentionnait déjà un droit de 4 livres sterling par an pour un carrosse, droit établi en 1747, et qui fut porté à la fin du siècle à 9 livres 12 shillings. Cet impôt n’a cessé d’exister depuis lors et constitue la meilleure partie des impôts sur le luxe. Pour 1869, les voitures de maître ont produit chez nos voisins un revenu de 408,785 liv. st. (10,219,625 fr.), les chevaux de selle 274.529 livres (6,863,225 francs), les autres chevaux et mules 161,159 liv. (4,028,975 fr.), les marchands de chevaux 16,133 liv. (403,325 fr.), ce qui fait un total de 21,515,150 fr. pour cette partie des impôts inscrits parmi les assessed taxes. On peut dire que l’ensemble des impôts de luxe en Angleterre ne donne guère, — quand ils arrivent à ce chiffre, qui n’est pas réalisé tous les ans, — beaucoup au-delà de 25 millions de francs. On voit que le rendement de ces taxes est médiocre, même dans les pays qui y paraissent le plus favorables par l’opulence exceptionnelle d’un certain nombre de familles. Quant à cet impôt sur les voitures particulières et sur les chevaux, même les pays qui ne l’ont pas gardé l’ont adopté dans les circonstances difficiles, depuis la Prusse en 1810 jusqu’à la Hollande, l’Autriche, le Danemark et d’autres nations. A Bâle, par la loi du 7 avril 1818, les chevaux de selle supportent un impôt de 16 francs,