Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/531

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

séance tristement mémorable du 15 mai 1848, suite et prélude d’autres journées du même genre, où presque invariablement le communisme lève la tête par-dessus la politique, qui fournit le prétexte ? Lorsqu’on vit à la tribune Barbes proposer de mettre un impôt de 1 milliard sur les riches, l’idée de frapper le luxe et le superflu n’était pas étrangère à cette façon toute révolutionnaire de trancher les questions de finances. Faut-il remonter jusqu’à 1848 ? Les traces des incendies allumés à Paris ne sont pas effacées. On n’y voit que trop quel cas la commune a fait du plus noble et du plus glorieux de tous les luxes, le luxe public consacré aux grands souvenirs de la patrie et aux chefs-d’œuvre des arts. Que le triste pouvoir qui en mars 1871 réussissait à saisir, pour la garder pendant plus de deux mois, la plus invraisemblable des dictatures, eût pu disposer d’un peu plus de temps, après le luxe public le luxe privé aurait eu son tour. N’y avait-il pas comme un commencement d’exécution contre ce dernier luxe lorsque la main des factieux enlevait tout ce qui faisait l’élégante décoration de la maison de M. Thiers, lorsque l’ordre d’incendier les hôtels des quartiers aristocratiques était signé en même temps que celui de mettre le feu aux palais habités par les souverains ou qui étaient le siège de grands corps de l’état ? Nul doute que la commune n’eût fait chaque jour de nouveaux pas dans cette voie où elle était entrée avec des procédés dignes de l’état sauvage, — que sous forme de confiscation et d’impôts elle ne se fût attaquée à tout ce qui révèle le luxe privé, à ce titre uniquement qu’il est blessant pour l’égalité et offensant pour la misère. Et pourtant certes ce n’était cette fois à aucun degré ni le stoïcisme philosophique, ni l’ascétisme chrétien qui entraient en lutte contre le luxe. Plusieurs des chefs de la commune se sont donné pendant ce règne d’un moment toutes les grossières jouissances alliées à l’amour du sang, comme si ces prétendus réformateurs trouvaient excellente pour eux-mêmes la devise : courte et bonne, empruntée au temps et aux hommes qu’ils ne manquaient aucune occasion de flétrir avec des airs de vertu effarouchée.

Trois suppositions sont possibles : on peut abuser de ces impôts sur les consommations de luxe en vertu d’une théorie sociale égalitaire ; on peut au contraire ne vouloir en faire aucun usage, — on allègue alors ce qu’ils ont ou paraissent avoir de peu conforme au libre emploi de la richesse ; on place cette condamnation absolue sous les auspices de quelque système, comme les économistes en ont présenté plusieurs aux différentes époques, depuis l’impôt unique foncier des physiocrates jusqu’à l’impôt sur le capital, préconisé aujourd’hui comme devant remplacer l’ensemble trop peu logique de nos taxes. On peut croire enfin juste, équitable, utile, d’établir