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bataille. C’est la météorologie comparée qui nous donnera la clé des phénomènes périodiques constituant le climat d’une contrée aussi bien que celle des anomalies qui en viennent troubler le cours régulier. Elle nous a déjà démontré l’inanité de ces spéculations qui vont chercher dans les espaces cosmiques les causes mystérieuses d’une foule d’accidens atmosphériques, qui les attribuent aux comètes, aux essaims d’étoiles filantes, à la lumière zodiacale, aux aspects planétaires ; ces théories ne tiennent pas devant les contradictions qui sautent aux yeux lorsqu’on entreprend de comparer les faits constatés simultanément en des stations éloignées. On se sent gagné par la conviction que la quantité de chaleur que le soleil mesure annuellement à la terre est tout ce que possède l’atmosphère, et qu’un déficit dont se plaint telle contrée est toujours compensé ailleurs par une élévation inusitée de la température. C’est ainsi que pendant les années froides de 1815 et 1816, qui ont été pour l’Europe occidentale une cause de disette, le temps chaud qui régnait dans l’est fut l’origine de la prospérité subite du commerce d’Odessa.

L’hiver de 1870 à 1871 a été très froid ; cependant il aurait été beaucoup moins remarqué, du moins à Paris, s’il n’avait pas tant contribué aux souffrances du pays. L’hiver rigoureux de 1855 se rattache de la même manière à la guerre de Crimée. Dans le midi de la France, le froid a été cette année bien plus sensible que dans le nord, peut-être parce que les nuits très claires de la Provence et du Languedoc favorisent davantage le rayonnement du sol vers l’espace. Dans les trois périodes de froid continu qui ont marqué le commencement de décembre, la fin de décembre et le milieu de janvier, les minima thermométriques sont plus bas à Montpellier qu’à Paris ; M. Martins a noté des températures de 14 et de 16 degrés au-dessous de zéro, tandis qu’à l’observatoire de Paris le thermomètre n’est pas descendu au-dessous de — 11 degrés. La neige blanchit rarement les champs du Languedoc ; cet hiver, elle y est tombée plusieurs fois, — une chute de 25 centimètres eut lieu le 25 décembre, et les dernières flaques n’avaient pas encore disparu à Montpellier au commencement de février. La végétation s’est ressentie des effets de l’hiver dans tout le midi ; dans quelques localités, les chênes verts, les oliviers, les cyprès, les figuiers ont été tués jusqu’aux racines. A Moulins, on a noté un minimum de — 25 degrés, à Périgueux — 23 degrés. L’hiver a été également rigoureux en Danemark, en Allemagne, dans presque toute l’Europe. Partout la moyenne générale de la température a été plus basse que dans les années ordinaires.

Ce qui est curieux, c’est que l’hiver froid de 1870 avait été prévu par plusieurs météorologistes qui se fondaient sur des principes fort différens. M. Renou le classe dans ses hivers quarantenaires ; il pense avoir constaté que les grands hivers reviennent périodiquement tous les quarante ou quarante-un ans, de sorte que 1870 serait le retour de 1830 et