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qu’il y a quatre ans à peine, en 1867, à Salzbourg, il y avait une entrevue de l’empereur Napoléon et de l’empereur François-Joseph. Alors aussi on n’avait d’autre pensée que de sauvegarder la paix, on se promettait d’échanger des impressions, de se concerter en tout ce qu’on ferait, et ce qu’il y a de plus curieux, c’est que ce grand résultat était annoncé au monde presque dans les mêmes termes. On n’a eu qu’à reprendre les dépêches d’il y a quatre ans. Toutes ces pacifiques petites villes d’Allemagne en ont tant vu d’alliances, d’échanges d’impressions, de combinaisons diplomatiques et de mystifications !

On peut donc tenir provisoirement pour assez problématique le résultat de toutes ces conférences de Gastein et de Salzbourg. D’ailleurs à quel propos l’Autriche serait-elle allée s’aventurer dans une alliance dont il serait assurément difficile de calculer les suites ? Que M. de Bismarck ait pu avoir la pensée d’engager le gouvernement austro-hongrois dans son œuvre de conquête, de le compromettre jusqu’à un certain point en l’associant à une sorte de garantie indirecte d’une paix créée par la force, cela n’aurait rien d’étonnant, ce serait assez dans les habitudes du chancelier prussien ; mais pourquoi le cabinet de Vienne céderait-il à cette étrange et dangereuse tentation de donner à M. de Bismarck le secours de ses connivences ? Qu’est-ce qui l’aurait forcé à choisir ce moment pour faire une sorte d’acte d’hostilité envers la France dont rien ne le sépare plus désormais ? Sans mettre de rancune dans sa politique, comment pourrait-il oublier que l’alliance de la Prusse lui a coûté cher dans les affaires de Danemarck, qu’elle pourrait lui coûter plus cher encore, s’il se laissait entraîner dans des combinaisons où il perdrait son indépendance pour une sécurité trompeuse ? On peut sentir à Vienne le besoin de vivre en paix avec Berlin, de comprimer le souvenir d’anciens antagonismes ; on sait bien que des deux côtés on n’a pas les mêmes intérêts, qu’on ne peut pas suivre la même politique, et que tôt ou tard cette intimité nécessairement factice conduirait ou à la subordination de la monarchie austro-hongroise ou à un choc plus violent.

La situation intérieure de l’empire austro-hongrois est elle-même la plus décisive raison d’incompatibilité entre la politique de Vienne et la politique de Berlin. L’Autriche, on le sait bien, est tout entière depuis quelques années à un travail de réorganisation par une sorte d’équilibre entre ses nationalités diverses réintégrées dans leurs droits d’autonomie. Le ministère qui s’est récemment formé à Vienne sous la présidence de M. le comte de Hohenwarth a repris résolument cette œuvre si souvent interrompue par les événemens ; il est même arrivé à négocier un compromis avec les Tchèques de la Bohême, qui sont aujourd’hui par le fait plus qu’à demi ralliés, et pour donner une forme définitive, constitutionnelle, à cette œuvre de réconciliation, on vient de procéder à des