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agitation religieuse en Allemagne ! D’un autre côté, l’internationale n’est point sans donner des soucis aux gouvernemens. Les apologies de la commune de Paris et de ses plus monstrueux excès ont retenti dans des réunions démocratiques. Dans certaines villes et tout récemment à Berlin, il s’est produit des grèves qui dénotent une organisation inquiétante. Les populations ouvrières s’agitent, enflammées et enrégimentées par des sectaires. Ce n’est rien peut-être jusqu’ici, demain ces mouvemens en se coordonnant peuvent devenir redoutables si les gouvernemens n’y prennent garde.. C’est sur tout cela que M. de Bismarck et M. de Beust ont senti la nécessité de s’entendre afin de concerter leurs efforts.

Troisième explication. — Non, vous n’y êtes pas, dit un diplomate plus expert et plus raffiné, l’empereur Guillaume et l’empereur François-Joseph, M. de Bismarck et M. de Beust, ne se sont pas dérangés pour si peu, pour des chemins de fer, pour des querelles de théologiens ou pour des agitations d’ouvriers. Le chancelier prussien a un plus grand objet en vue. Après avoir fait l’Allemagne, il veut la consolider. Ne voyez-vous pas que c’est toujours la France qui est le trouble-fête, le trouble-repos de l’Europe ? Dans la plénitude de sa puissance, elle inquiétait tout le monde ; vaincue, elle ne peut se résigner, elle s’agitera sans cesse jusqu’à ce qu’elle ait pu tenter de se relever. Que serait-ce si un jour ou l’autre elle rencontrait au nord l’appui de la Russie, mécontente du rôle qu’on lui fait jouer ? La plus sûre garantie de la paix, c’est que la Prusse et l’Autriche s’entendent de nouveau et forment au centre de l’Europe une masse impénétrable de la Meuse à la Vistule, des Vosges aux Carpathes. L’Autriche, il est vrai, a encore des populations, des provinces allemandes, sur lesquelles le nouvel empire germanique pourrait avoir des vues ; qu’à cela ne tienne, on n’en parlera pas, on écartera ces difficultés pour le moment, on découragera, s’il le faut, les Allemands séparatistes de l’Autriche, à la condition que le cabinet de Vienne sera raisonnable, qu’il appellera Sadowa un malentendu bon à être oublié ! En même temps, au besoin, on fera un signe à l’Italie, on lui donnera un intérêt dans l’alliance en lui promettant qu’elle ne sera pas troublée à Rome. Ainsi la paix peut être assurée contre les retours offensifs de la France. Voilà l’objet des entrevues impériales d’Ischl et de Salzbourg, des conférences ministérielles de Gastein ! — Et c’est ainsi qu’on se remet à faire des contes aussitôt que la plus terrible. histoire cesse de dérouler ses sanglantes péripéties.

Des contes, disons-nous ; il faut bien cependant qu’il y ait quelque chose. Au fond, c’est sans doute beaucoup moins grave, beaucoup moins précis qu’on ne le croit, et comme les hommes les plus positifs ne sont pas toujours exempts de certaines velléités d’ostentation, qui sait si M. de Bismarck, en provoquant ces rencontres, n’a pas cédé tout d’abord à l’orgueil de montrer son empereur d’Allemagne en face de l’empereur d’Autriche, de se trouver, lui le premier chancelier de l’empire