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de l’assemblée avait le droit de s’abstenir ? Ce n’est pas pour s’abstenir que le pays nomme des représentans, surtout dans un moment comme celui-ci où une assemblée, par cela même qu’elle est souveraine, ne peut reculer devant aucune des nécessités et des responsabilités de l’œuvre que chaque jour impose à sa prudence et à ses efforts. Quoi qu’il en soit, le résultat de cette chaude discussion, qui a fait M. Thiers président de la république, n’est pas moins acquis. C’est jusqu’à un certain point une situation nouvelle : un gouvernement existe. L’assemblée elle-même a subi l’influence de cette décision qui a tranché une grande et épineuse question. Un apaisement assez visible, au moins momentané, s’est fait presque aussitôt. Et maintenant qu’un terrain un peu plus solide a été créé, il faudrait bien éviter ces occasions d’antagonismes et de perplexités stériles, ces luttes où il y a trop souvent du temps perdu et des excitations qui laissent quelquefois des traces dangereuses.

C’était peut-être assez pour nos représentans d’avoir passé quinze jours dans le feu d’une crise qui a été pour eux une épreuve sérieuse. Qu’est-il arrivé cependant ? L’assemblée était à peine remise de la proposition Rivet, qu’elle est tombée sur la proposition Ravinel ; elle venait à peine d’échapper à la question la plus épineuse de gouvernement, elle s’est heurtée contre la question de la capitale, car, hélas : il ne nous suffit pas de la question de l’occupation étrangère, de la question des cinq milliards à payer, de la question de notre réorganisation publique tout entière, nous avons cru nécessaire d’y joindre comme supplément la question de la capitale, et ici encore il a fallu trois ou quatre jours pour savoir si l’assemblée et le gouvernement resteraient indéfiniment fixés hors de Paris, s’il ne fallait pas dès ce moment installer à Versailles les administrations et les services publics. C’était fort urgent, à ce qu’il paraît ; la proposition Ravinel ne pouvait que sauver l’état ! On a discuté et on a voté ; mais d’abord qu’a-t-on voté ? On n’y prend pas garde à Versailles, on va au hasard des surprises de discussion, et on ne s’aperçoit pas qu’on fait de la confusion. Voyez ce qui arrive de cette proposition Ravinel. On a voté le commencement d’un premier article déclarant que l’assemblée et le gouvernement resteront à Versailles, et on a supprimé une disposition complémentaire portant que, dès ce moment, les services publics seront installés dans cette ville ; puis on vote un second article qui dit qu’une commission parlementaire sera nommée pour aviser, de concert avec le gouvernement, à l’exécution de l’article 1er. Cette commission sera chargée apparemment de faire le guet et de veiller à ce que le gouvernement ne quitte pas furtivement Versailles, puisque c’est la seule chose qui reste inscrite dans la loi, et qu’il n’est plus question de l’installation des services publics. Déjà, dans la loi sur les conseils-généraux, il y a un certain article 88 qu’une étourderie de forme rend incompréhensible, et, si nous faisons cette remarque, c’est que depuis quelque temps en France on met une vé-