Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/451

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quelle analogie y a-t-il entre un juge, un percepteur ou un commis de la poste aux lettres ? Le gouvernement assure le respect des lois quand il institue des magistrats ; il gère la fortune publique au moyen des administrations financières ; il fait acte de commerce en exploitant les monopoles des tabacs, des postes et des télégraphes. Personne ne l’ignore, la prétention du dernier empire fut d’enrégimenter sous une même bannière politique ingénieurs et sous-préfets, receveurs et percepteurs, même jusqu’aux magistrats et aux prêtres. La loi de 1853 sur les pensions de retraite leur a créé aussi des intérêts communs auxquels le clergé seul s’est soustrait. Le corps entier des serviteurs de l’état est devenu une armée avec ses généraux, ses colonels, ses capitaines, ses sergens et ses caporaux. Si l’équivalence des grades entre les divers services publics, l’assimilation, comme on dit, n’a pas été décrétée, c’est que le temps a manqué. Elle était prévue par tous et désirée par quelques-uns. Quantité d’entre eux se sont pris à regretter que la loi n’eût pas dit si le juge d’un tribunal est plus ou moins qu’un ingénieur des ponts et chaussées.

Parlons d’abord de la façon dont on entre dans la carrière. Quoique l’admission pour certains services publics, tels que la magistrature, le professorat, les corps d’ingénieurs, soit soumise à des épreuves sérieuses dont les diplômes universitaires ou les examens des écoles savantes sont la mesure, on peut dire en général que le gouvernement s’est montré peu soucieux d’exiger de ceux qui le servent les hautes garanties de l’instruction et de l’éducation ; il faut convenir aussi que l’opinion publique s’est méprise le plus souvent sur la valeur de ces garanties. Tout emploi requiert de celui qui l’occupe des connaissances techniques. Acquérir ces connaissances s’appelle l’apprentissage dans les carrières industrielles et commerciales. Le mot n’a pas paru assez noble : le gouvernement a décoré du nom de surnuméraires ceux qui s’appelleraient apprentis ailleurs. On ne peut parler du surnumérariat sans mentionner ce que ce stage contient de privations douloureuses et d’espérances avortées. Le surnuméraire pauvre, — et combien en est-il qui ne le soient pas ? — déjà pris dans l’engrenage administratif, est soumis aux mêmes exigences que ceux qui l’ont précédé dans la carrière ; il doit vivre de la même façon, il accomplit le même labeur sans rémunération. L’humanité aussi bien que la justice exigerait que cette période de travail gratuit fût réduite au temps strictement nécessaire pour l’apprentissage.

Souvent le surnuméraire, une fois admis avec le grade le plus infime, ne rencontre plus devant lui, jusqu’aux grades les plus élevés, aucune barrière d’examen. Parfois il est obligé de subir, à mesure