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de patriotisme, racontait par exemple le siège de Gênes et la belle conduite de Masséna. L’Indépendant, non moins patriote, osait reproduire les articles de la loi militaire qui condamne à la dégradation et à la peine de mort le commandant d’une place forte convaincu d’avoir capitulé trop tôt. Toute liberté n’était cependant pas laissée à la presse locale ; sous la loi de l’état de siège, les journaux subissaient une censure qui ne leur permettait pas toujours d’exprimer leur pensée. On les trouvait quelquefois trop audacieux, trop confians, trop disposés à entretenir les espérances, à exciter le courage de la population. La censure supprimait volontiers les passages où il était question d’une lutte sans merci, d’une résistance désespérée. Le 11 octobre, le Courrier de la Moselle recevait l’ordre de ne point insérer dans ses colonnes un article trop belliqueux que venait de lui apporter un ancien colonel du génie. Il y était question des efforts tentés par le pays pour se défendre, de la puissance des armées nationales, même indisciplinées, en face des armées d’invasion, de la nécessité pour Metz de lutter jusqu’au bout, afin de donner à la France le temps de créer des soldats. Tant de patriotisme parut suspect ; dans les bureaux du général Coffïnières, on écrivit en marge : « Cet article est à supprimer en entier ; il n’a d’autre inconvénient que de soulever des questions trop brûlantes par le temps qui court. » Les rôles semblaient renversés. C’étaient les habitans qui demandaient le combat à outrance, c’était l’autorité militaire qui les en détournait.

La garde nationale, de plus en plus inquiète de l’inaction des troupes, ne négligeait aucune occasion de témoigner hautement les sentimens qui l’animaient. Tantôt elle offrait au général Changarnier de se placer sous ses ordres et de le suivre aux avant-postes, tantôt elle insistait auprès du commandant supérieur de la place pour obtenir de lui des explications précises sur la question politique et sur la question militaire. Les chefs de l’armée reconnaissaient-ils le gouvernement de la défense nationale ou négociaient-ils avec l’empire, comme le bruit public les en accusait ? Avait-on pourvu au salut de Metz ? L’immobilité de l’armée n’aboutirait-elle pas fatalement à une capitulation ? Le général Coffinières, interrogé sur ces différens points par une députation d’officiers que le maire lui avait amenés, repoussa pour son compte toute idée de restauration bonapartiste. Il affirma qu’on ne songeait point à capituler, que les ressources ne manquaient point encore, mais que, si jamais l’armée en arrivait à cette extrémité, elle irait droit à l’ennemi en lui disant : C’est un duel à mort. Le lendemain, le même général paraissait embarrassé des témoignages de patriotisme qu’il venait de recevoir, et déclarait tout haut que le moment était venu de