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manière éclatante, afin de faire rentrer les républicains dans le néant. Repoussé à Hastings, où l’impératrice se défendait de toute ingérence politique dans les affaires de la France, il annonça l’intention de se rendre à Wilhelmshœhe, où l’empereur lui ferait peut-être un accueil plus favorable, et il obtint que le prince impérial le recommanderait indirectement à son père en le chargeant d’une photographie signée de sa main. Sans autre titre de recommandation, il se rendit à Ferrières, où M. de Bismarck le reçut aussitôt, le jour même où M. Jules Favre était attendu. L’habile chancelier négociait le matin avec l’empire, le soir avec la république, sans chercher d’autre intérêt que celui de l’Allemagne, se demandant seulement de qui il obtiendrait les conditions de paix les meilleures, qui serait le mieux en mesure de tenir ses engagemens. Il accueillit M. Régnier comme un agent bonapartiste autorisé, et ne parut pas éloigné d’entrer en pourparlers avec le gouvernement impérial, pourvu qu’on lui offrît une base sérieuse de négociations. Son interlocuteur lui répondit que tout dépendait de l’impératrice ou de l’empereur, qu’il fallait les décider à agir et à gouverner ; puis il offrit de se rendre à Metz, afin de conférer avec le maréchal Bazaine, qu’il croyait dévoué à la politique impériale, de faire au besoin sortir de la place, avec le consentement de M. de Bismarck, le maréchal Canrobert ou le général Bourbaki, afin d’avoir un intermédiaire entre la dynastie et l’armée.

C’est à la suite de cet entretien que M. Régnier, muni d’un sauf-conduit, arrivait au quartier-général du Ban-Saint-Martin. Suivant lui, voici ce qu’il proposa sur-le-champ au maréchal Bazaine, d’accord avec M. de Bismarck et le prince Frédéric-Charles, qu’il avait visité à Corny. L’armée de Metz sortirait du camp retranché en gardant ses armes et ses canons, serait aussitôt neutralisée, et se retirerait dans l’intérieur de la France pour y rétablir l’ordre, pour y soutenir le gouvernement impérial. Au bout de deux heures, dit M. Régnier, toutes ces conditions étaient acceptées par le maréchal, qui répondait de l’armée et de ses collègues en faisant ses réserves pour la garnison de Metz. Le surlendemain, le général Bourbaki sortait de Metz, sur un ordre écrit et antidaté du maréchal, pour se rendre auprès de l’impératrice, dont le consentement était nécessaire. Il y a de fortes raisons de penser que le général en partant croyait obéir aux volontés de la régente, qui s’étonna de sa visite et lui apprit qu’on l’avait trompé. D’après M. Régnier, l’ordre qu’il emportait était officiellement donné au nom de l’impératrice. Pendant que Bourbaki prenait la route de l’Angleterre par le grand-duché de Luxembourg et la Belgique, M. Régnier retournait à Ferrières ; il rapportait l’acquiescement du maréchal Bazaine aux