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salut. En tout cas, il évitait soigneusement de s’engager, de s’arrêter à un parti définitif. Rien de plus vague que la dépêche qu’il envoyait le 20, de son quartier-général du Ban-Saint-Martin, au maréchal de Mac-Mahon. « L’ennemi grossit toujours autour de nous, disait-il, et je suivrai très probablement pour vous rejoindre la ligne des places du nord. Je vous préviendrai de ma marche, si je puis toutefois l’entreprendre sans compromettre l’armée. » L’auteur de cette note pouvait à volonté, sans paraître se contredire, ou rester sous Metz ou s’éloigner. Il entendait en effet se réserver jusqu’au dernier moment une complète liberté d’action, ce qui était son droit et même son devoir, mais à la condition qu’il se décidât sur-le-champ et qu’il ne perdît pas de temps pour agir.

Toute l’armée crut en effet à une prochaine et vigoureuse action. Le 22 août, une dépêche ordonnait de réduire les bagages des officiers, de retenir à Metz les cantiniers avec leurs femmes et leurs voitures, ce qui faisait espérer à tout le monde une grande sortie ; Le 26, ce projet recevait même un commencement d’exécution, toutes les troupes étaient mises en marche dès le matin ; mais la persistance de la pluie et l’état des routes obligeaient les corps déjà prêts pour le départ à rentrer dans leurs cantonnemens. Le jour même fut réuni un conseil de guerre composé de tous les chefs de corps et des commandans des armes spéciales. On s’y rallia unanimement à la pensée de ne pas s’éloigner de Metz, « afin de maintenir devant soi 200,000 ennemis, dit le maréchal Bazaine dans son rapport, de donner le temps à la France d’organiser la résistance, aux armées en formation de se constituer et de harceler l’ennemi en cas de retraite, de lui infliger même au besoin une défaite décisive. » Les expressions calculées dont se sert le commandant en chef de l’armée du Rhin laisseraient croire qu’on ne se proposait d’agir que si l’ennemi se retirait, de n’opérer que sur ses derrières. Le commandant supérieur de la place de Metz, chef du génie de l’armée, présent à la séance, déclare au contraire que, dans l’opinion du conseil, la position éminemment stratégique de la forteresse devait servir immédiatement de base aux opérations les plus actives. On fut d’avis de rester, dit-il en propres termes, « mais sous la réserve formelle qu’on manœuvrerait vigoureusement autour de la place. Je n’ai pas à examiner, ajoute-t-il un peu ironiquement, si ce programme a été suivi. » On regrette de ne trouver dans le mémoire du général Coffinières de Nordeck aucun éclaircissement sur une autre assertion du maréchal Bazaine, qu’il appartenait cependant au chef du génie plus qu’à personne de confirmer ou de démentir. D’après le rapport du commandant en chef, à la date du 26 août, la ville de Metz aurait eu besoin de l’armée pour terminer les forts et les défenses extérieures du