Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/416

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lorsqu’il fut un instant surpris, enveloppé et entraîné par une charge impétueuse de la cavalerie prussienne ; mais son œil, au lieu de se porter en avant, dans la direction de Verdun, ne cessa de se porter en arrière vers la route de Metz, dont il craignait évidemment d’être coupé. Il ne cherchait en aucune manière à gagner du terrain, à devancer l’armée prussienne sur le chemin de Mars-la-Tour, comme il l’eût fait sans aucun doute, s’il avait brûlé ses vaisseaux et résolu de partir. Toute la journée, il reste de sa personne au centre et surtout à gauche de ses positions, surveillant les ravins et les bois dans la direction de Gorze, afin de maintenir ses communications avec la forteresse. C’est de ce côté qu’il appelle toutes ses réserves, la garde d’abord, puis la division Montaudon, détachée du 3e corps. Il était important assurément de ne point abandonner la route de Metz, si on ne renonçait pas à l’idée d’y rentrer ; si on eût voulu au contraire se diriger vers l’intérieur de la France, n’est-ce pas à l’aile droite, entre Mars-la-Tour et Rezonville, que se fût porté le principal effort de la journée ? N’eût-on pas essayé de soutenir la belle charge de cavalerie de la division de Forton, qui anéantit le 16e régiment de uhlans, et l’admirable élan de la division Cissey, qui, abordant l’ennemi à la baïonnette, ne laissa que 160 hommes debout sur les 3,000 soldats dont se composait le 16e régiment d’infanterie prussienne ? Ces braves troupes du 4e corps, retardées par le combat de Borny, où elles s’étaient couvertes de gloire, arrêtées plusieurs fois malgré l’impatience de leurs chefs, par les files de voitures qui leur barraient le chemin, n’entrèrent en ligne qu’à trois heures de l’après-midi, vers le moment où le prince Frédéric-Charles arrivait sur le champ de bataille ; mais elles n’avaient cessé de gagner du terrain, elles refoulaient l’ennemi devant elles, et, si des renforts leur étaient arrivés à temps, elles auraient pu se placer entre la route de Verdun et l’armée prussienne, en emportant la forte position de Tronville.

La journée du 16 était un véritable succès pour nos armes ; sur toute la ligne, nos soldats venaient de se battre avec le plus brillant courage ; on signalait partout des traits de bravoure individuelle qui, comme à Wissembourg, à Wœrth, à Forbach, mais avec plus de bonheur, rappelaient l’ancienne vaillance française. Repoussés à notre gauche et au centre, après des attaques furieuses, les Prussiens battaient en retraite, à la tombée de la nuit, devant l’irrésistible élan de notre aile droite. La victoire nous restait en réalité, suivant toutes les traditions de la guerre, puisque nous n’avions perdu aucune de nos positions et que nos troupes bivouaquaient sur plusieurs points occupés d’abord par l’ennemi, plus tard abandonnés par lui. Ce fut pour le maréchal Bazaine le plus beau jour de la campagne, une journée sans lendemain, mais qui