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LE
TOUR DU MONDE
EN CENT VINGT JOURS


IV[1]

Un seul degré de latitude nous sépare de la ligne, et, après une relâche insignifiante à Pulo-Penang, nous distinguons, non loin de nous, les côtes de la Malaisie et de la grande île de Sumatra. Nous approchons un matin très près d’un point du littoral, et je distingue quelques Malais qui errent sur la plage ; ils sont nus, fortement constitués ; leur peau est de couleur foncée, et leur aspect est farouche. Malgré notre proximité, nous remarquons qu’ils ne daignent pas jeter un coup d’œil dans la direction du steamer.

— Enfin, s’écrie mon jeune Yankee avec joie, voici donc une île qui n’est pas anglaise ! — J’avoue que sa remarque me cause un plaisir égal au sien.

Les Célèbes, une partie de Bornéo, Sumatra, Java, appartiennent à la Hollande ; la dernière de ces possessions lui a fourni jusqu’à ce jour un magnifique revenu, — je dis jusqu’à ce jour, — parce que le système hollandais est menacé de ruine. En 1857, les colonies néerlandaises produisaient encore 41 millions de florins ; mais, depuis cette époque, les productions du sol sont en décroissance, et le ministre Wale a demandé aux chambres 10,000 livres sterling pour subvenir au déficit du budget colonial. Cependant à Java les indigènes ne sont même pas les possesseurs du sol ; ils le cultivent par ordre, et les produits des récoltes sont taxés et achetés d’office par des agens que nomme la métropole. Le croirait-on ? ces îles d’une richesse incomparable n’ont jamais autrement intéressé

  1. Voyez la Revue du 1er septembre.