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voisins des particuliers, exploités au moins avec un certain ménagement. Si la commune trouve dans ses futaies un grand revenu, c’est le principal avantage et parfois le seul qu’elle en retire. Peu lui importe à elle, fraction isolée de la société, que les forêts soient encore, comme il importe tant à l’état, une source intarissable de richesse publique. Quel intérêt ont par exemple les communes du nord-est, propriétaires de forêts de chêne, à ce que le prix du merrain soit peu élevé à Bordeaux et à Cette ? Peut-on leur demander de conserver leurs chênes pour assurer dans l’avenir le développement du commerce des vins du midi ?

L’état ou la société qu’il représente est, à vrai dire, le propriétaire naturel et excellent des futaies ; c’est que pour lui seul aussi la futaie réserve tous ses avantages : elle lui donne tout à la fois un bon placement, un grand revenu et un puissant élément de prospérité générale. La forêt de Blois, qui est la futaie la plus régulière en même temps que la plus belle de nos forêts, — un parc vraiment royal par son étendue de 2,750 hectares, par son essence, le chêne, par ses massifs complets, par ses routes admirables, par sa situation au bord de la Loire qu’elle domine, et par les souvenirs qu’elle évoque à chaque pas, — fournit le meilleur exemple des produits que les futaies peuvent donner à l’état. Elle se trouve dans des conditions de fertilité tout à fait ordinaires, et ses produits ne sont que d’une qualité médiocre ; ils n’en donnent pas moins par hectare un revenu de 118 francs, représenté pour les quatre cinquièmes par le prix de deux mètres cubes de bois d’œuvre, qui se débitent en merrains destinés aux vins du pays. M. Léonce de Lavergne a évalué en moyenne à 100 francs par hectare et par an le revenu brut que peuvent donner les futaies en France, et à 25 fr. seulement celui que donnent les taillis. Quant au revenu net, il admet que pour l’obtenir il convient de déduire, dans les taillis, pour frais de garde, de gestion, d’entretien et d’impôt, un tiers environ du revenu brut ; dans les futaies, il suffit de retrancher une fraction beaucoup moindre[1]. Ces chiffres, inapplicables à chacune de nos forêts prise en particulier, donnent une idée assez vraie des résultats pour l’ensemble. Or, de tous les propriétaires, l’état est le plus apte à l’éducation des futaies, parce qu’il est impérissable, parce qu’il a plus que tout autre l’esprit de suite absolument nécessaire, et surtout parce qu’il est le représentant de la société, dont les besoins en bois d’œuvre ne peuvent être bien satisfaits par personne autre qu’elle-même. Il est facile d’en conclure que l’état est le propriétaire qui peut obtenir de ses forêts le plus grand revenu.

En fait, le produit des coupes opérées dans les forêts domaniales

  1. Voyez la Revue du 1er décembre 1855.