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actuels, la valeur d’un chêne de 50 ans à celle de l’arbre de 75, celle-ci à celle de l’arbre de 100 ans, ainsi de suite, sans oublier que dans une trentaine d’années, à moins d’une ruine générale, le prix du mètre cube de gros chêne aura probablement doublé. Aux prix actuels, la valeur des chênes réservés dans beaucoup de taillis sous futaie s’accroît encore au taux de 4 pour 100 de 75 à 100 ans. Il en est ainsi quand l’arbre, qui a une valeur de 20 francs à 75 ans, en vaut 53 à l’âge de 100 ans, ou en général quand le rapport de la dernière valeur à la première dépasse 2 1/2. Un grand nombre de propriétaires de bois ne s’en doutent guère et exploitent non-seulement par besoin, mais encore par ignorance, un nombre immense d’arbres trop jeunes ; mais en raison du prix que les chênes auront dans trente ans on peut dire que dans la plupart des taillis sous futaie on place en réalité à 4 en conservant des chênes âgés aujourd’hui de cent ans.

Dans la plupart des cas, les propriétaires obtiendraient de leurs taillis sous futaie des résultats meilleurs encore en portant les révolutions de vingt à vingt-cinq ans ou de vingt-cinq à trente. Les arbres y prendraient un plus beau fût, d’une longueur suffisante en général pour être classés dans la grosse charpente, et les sous-bois donneraient beaucoup de petits bois d’œuvre, des perches, des étançons, auxquels le développement des exploitations houillères procure une belle valeur. Il est difficile de bien se représenter le changement énorme que produit dans les taillis sous futaie une durée de cinq ans ajoutée à une courte révolution. Quant au taillis de trente ans comparé à celui de vingt, c’est comme une forêt différente. Ce dernier peut former encore un taillis impénétrable, tandis que sous l’autre on se promène aisément à cheval. Si grands que soient ces avantages pour les propriétaires particuliers, ils ne suffiront pas néanmoins pour assurer la conservation de beaucoup d’arbres. C’est que, toutes les fois qu’il s’agit de conserver des bois déjà entrés en valeur, il y a un sacrifice de jouissance immédiate à faire au profit d’un avenir éloigné.

Pour élever des chênes de fortes dimensions, il est en effet trois conditions indispensables. La première est le terrain. Le chêne exige des sols qui conviennent ordinairement à l’agriculture, et il faut au moins une surface d’un hectare pour produire annuellement 1 mètre cube 1/2 de gros chênes. Ceci peut surprendre à première vue, quand on sait que la production ligneuse d’un massif s’élève fréquemment à 4, 5 ou 6 mètres cubes par an ; mais il faut voir comment se décomposent ces produits, dont la nature est très différente, et quelle portion en revient au bois d’œuvre de fortes dimensions. Ce serait déjà un très beau résultat que de trouver en moyenne sur