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souvent. N’est-on pas venu affirmer à la tribune du sénat, il y a quelques années, que nos chênes arrivent à cent ans au terme extrême de leur vie, « à leur ultime vieillesse, » et que, si dans certains cas on peut en conserver de plus vieux, c’est à titre de simple expérience ? Non, il ne s’agit point ici d’expérimenter, il s’agit de prévenir une disette menaçante. Nous pouvons remédier à cet appauvrissement, car la France possède encore plusieurs millions d’hectares de forêts aptes à produire du chêne, peuplées d’arbres en croissance dont il suffit d’attendre l’exploitation trente, quarante ou cinquante ans. Cette réserve des arbres de grosseur moyenne est plus urgente, sinon plus nécessaire, que celle des arbres plus jeunes destinés à servir aux besoins du pays dans un avenir éloigné. Ainsi ce qu’il importe de conserver, ce sont les chênes anciens d’abord, puis ceux d’âge moyen, en dernier lieu seulement les jeunes baliveaux, et cela sans aucune limite du nombre des arbres ou de la surface couverte par leurs cimes.


III

En France, les propriétaires particuliers possèdent une étendue de forêts beaucoup plus grande que l’état et les communes, 5 millions d’hectares environ, tandis que 3 millions seulement restent propriété publique. Les départemens du Lot, de la Dordogne, des Côtes-du-Nord, n’ont absolument que des bois de particuliers ; celui de la Nièvre en est pour ainsi dire couvert. Le département du Var et l’arrondissement de Grasse, qui forment une des régions les plus boisées de France, possèdent 250,000 hectares de forêts qui sont propriétés privées. Les sables de la Sologne, des environs de Paris et de toute la région comprise entre la Creuse et la Somme sont en partie couverts de forêts appartenant à des particuliers. Ceux-ci possèdent en outre beaucoup d’arbres isolés qui occupent une surface considérable. En Bretagne notamment, les bois dits de haie ou de fossé, qui forment la clôture des héritages, fournissent à la marine une quantité notable de pièces importantes. Ces forêts et ces bois sont pour leurs propriétaires un excellent placement de fonds, un des plus faciles, des mieux assurés, qui fonctionne à la manière des intérêts composés et à un taux assez élevé. La valeur des forêts que les particuliers vendent et achètent se détermine en effet ordinairement en capitalisant le revenu à un taux voisin de 4 pour 100. L’éducation des bois d’œuvre permet d’ailleurs le plus souvent d’accroître encore le revenu de ces forêts tout en restant dans les conditions du taux admis dans la localité. Pour se convaincre de ce dernier fait, il suffit de comparer, en partant des prix