Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/360

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans les futaies mêmes, le bénéfice de la réserve des chênes ne se bornerait point d’ailleurs aux résultats indiqués plus haut. En dehors des coupes de régénération, qui donnent les produits principaux, on trouve en effet fréquemment dans le reste de la forêt des réserves de chênes d’âge moyen, de 40 à 60 centimètres de diamètre ; à coup sûr, en réservant tous les chênes d’avenir dans les coupes définitives, on ne sera pas tenté de les faire exploiter dans les coupes d’éclaircie, et l’avantage que nous avons signalé se reproduira ici en se multipliant. C’est ainsi que dans un système d’économie les résultats s’enchaînent, se complètent l’un par l’autre et concourent tous au but.

Cependant les ressources que peut donner la réserve des chênes en croissance seraient bien moindres dans les futaies pleines que dans les forêts soumises à d’autres modes de traitement. Nous n’avons plus guère de futaies de chênes que dans le centre et l’ouest de la France ; les principales se trouvent dans le Bourbonnais, le Blésois, la Touraine, l’Anjou, le Maine et le Perche, puis encore, mais mélangées de hêtres très abondans, en Normandie, dans les environs de Paris et dans la région des Vosges. Ce sont des forêts qui de longue date ont fait partie du domaine royal, et en somme l’étendue en est assez restreinte. Si sur certain point, dans la grande forêt du Tronçais (Allier), l’on trouve encore des futaies de chênes âgées d’un siècle et demi, sous lesquelles on peut faire une promenade de 7 à 8 kilomètres, comme depuis le Pavillon jusqu’au village de Richehout, c’est là un des derniers restes des antiques futaies de notre pays, un monument unique aujourd’hui en France.

Depuis quelques années à peine, on a entrepris de convertir les taillis en futaie pleine dans un grand nombre de forêts du domaine de l’état. Cette conversion s’obtient en remplaçant les taillis à exploiter, formés principalement de rejets sur souches, de cépées donnant du bois de feu tous les vingt-cinq ou trente ans, par de jeunes futaies composées de brins de semence, de sujets de franc pied destinés à fournir des bois d’œuvre quand ils auront cent ou deux cents ans d’âge. On rencontre nécessairement, en coupant les taillis pour la dernière fois, beaucoup de chênes réservés dans les exploitations antérieures, des baliveaux de différens âges, mais généralement éloignés de leur maturité ; il est clair qu’on doit les laisser encore debout, quelque dommage qu’ils puissent causer aux semis, parce que l’avenir de ces arbres est bien plus assuré que celui des jeunes brins. Ces chênes à conserver demandent à peu près les mêmes soins que les arbres réservés dans les futaies. L’isolement leur est moins défavorable, parce qu’ils ont la cime et les racines plus développées, le fût moins allongé.

Quels résultats pourra donner cette réserve, nécessairement