Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 95.djvu/294

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

loi, l’opposition libérale n’en comptait que 35. Quelques semaines après, les deux chefs du côté droit, M. de Villèle et M. Corbière, entraient dans le ministère du duc de Richelieu, le premier sans portefeuille, le second comme président de l’instruction publique. Ce second ministère Richelieu traversa à grand’peine l’année 1821, « ballotté, selon les expressions du duc de Broglie, entre une majorité de droite déjà nombreuse et une minorité de gauche encore nombreuse, entre le triomphe impromptu et la misérable déconfiture du parti révolutionnaire en Italie, entre les bravades des descamisados espagnols et les anathèmes des congrès de Troppau ou de Laybach. » Dans l’été de 1821, MM. de Villèle et Corbière, à qui leurs amis reprochaient leur impuissance dans le cabinet, devinrent plus exigeans. M. Corbière dit brusquement un jour au conseil qu’il serait à propos de changer huit ou dix préfets ; M. Pasquier demanda quels griefs on avait contre eux. « Je n’en ai aucun, répondit M. Corbière ; je ne les connais même pas ; mais nous avons parmi nous des gens qui souffrent ; il est temps de faire quelque chose pour les royalistes. » Le duc de Richelieu témoigna son étonnement de ce cynisme ; mais son étonnement fut vain. Pressés par leurs amis du dehors, les deux chefs de la droite pressèrent plus vivement leurs collègues du cabinet ; le duc de Richelieu, de son côté, demanda au roi de faire agir M. le comte d’Artois pour amener ses amis politiques à moins d’exigence ; Louis XVIII s’y refusa formellement. « Je ne veux pas abdiquer, dit-il, et je ne suis pas las de régner. » Toutes les tentatives de conciliation échouèrent : le 27 juillet 1821, MM. de Villèle et Corbière donnèrent leur démission et partirent, l’un pour Toulouse, l’autre pour Rennes ; mais au mois d’octobre les élections annuelles amenèrent au côté droit de nouvelles forces. Son opposition trouva dans celle du côté gauche l’appui nécessaire pour faire passer dans l’adresse de la chambre une phrase évidemment hostile au ministère du duc de Richelieu, resté seul avec ses vrais amis. Le roi déclara qu’il ne voulait pas la recevoir, selon l’usage, par une grande députation ; le 30 novembre 1821, le président de la chambre, M. Ravez, et deux secrétaires l’apportèrent seuls aux Tuileries. Le roi la prit sans en permettre la lecture, et la posa sur sa table en disant : « Je connais l’adresse que vous me présentez ; j’aime à croire que la plupart de ceux qui l’ont votée n’en ont pas pesé toutes les expressions. Dans l’exil et la persécution, j’ai soutenu mes droits, l’honneur de mon nom et celui du nom français. Sur le trône, entouré de mon peuple, je m’indigne à la seule pensée que je puisse jamais sacrifier l’honneur de la nation et la dignité de ma couronne. » Mais la dignité des paroles du roi ne suffisait pas à satisfaire celle du caractère de M. de Richelieu, ni à lui faire méconnaître sa situation. Dans