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REVUE. — CHRONIQUE.

entre hommes dévoués à une même œuvre nationale, comment on fait sortir une grande république d’un essai tenté simplement et modestement. Cette lecture calmante et fortifiante ne sera inutile ni à ceux qui la feront, ni à la France qui en profitera dans les cruelles expériences qu’elle fait à son tour.

P. S. — Le drame parlementaire qui a commencé hier à Versailles, à l’occasion de la proposition Rivet, vient de se clore par un vote qui élève M. Thiers à la dignité de président de la république à une majorité de 480 voix contre 93. La question est tranchée désormais, le provisoire est fixé, et l’homme qui depuis sept mois sert glorieusement la France reste chargé de la servir encore et de la conduire. Ce résultat n’était pas dû seulement à l’homme éminent qui reçoit cette marque de confiance de l’assemblée nationale, il était appelé par le bien public. L’essentiel maintenant est de ne plus se perdre en lutte inutiles et de gouverner. Voilà ce qu’attend le pays.

CH. DE MAZADE.


CORRESPONDANCE

À M. LE DIRECTEUR DE LA REVUE DES DEUX MONDES.
Bâle, 29 août.

 Monsieur,

Heureuse ou malheureuse, la France sera toujours en spectacle aux autres peuples, et ce spectacle aura toujours le privilège de les émouvoir et de les passionner, La France a partout des amis et des ennemis, les indifférens sont rares. Vous me demandez ce que ses amis du dehors pensent aujourd’hui de l’état de ses affaires. Le savent-ils bien eux-mêmes ? Ils sont partagés, je le crois, entre la crainte et l’espérance, — et n’ont-ils pas en effet bien des sujets d’espérer, bien des raisons de craindre ? Profondément consternés des catastrophes effroyables qu’a essuyées une nation au sort de laquelle sont attachées les destinées de l’Europe, ils l’ont vue avec joie donner au lendemain de ses désastres des témoignages incontestables d’énergie, de sagesse et de foi raisonnée dans son avenir. Ce qui s’est passé depuis ne les a pas toujours satisfaits, mais ne les a point découragés. Ce qui se passe en ce moment les étonne, et cet étonnement ne va pas sans quelques inquiétudes.

Vous me direz peut-être que, pour qui voit les choses de près, il n’y a rien, d’étonnant dans les événemens parlementaires du jour, qu’ils s’expliquent fort bien, qu’ils ont, comme s’expriment les philosophes, leur raison suffisante, que les passions et les intérêts sont aussi logiques, aussi conséquens dans leurs agissemens à Versailles qu’ailleurs. Je vous en crois sans peine ; il n’en est pas moins vrai que Versailles a