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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 août 1871.

Où va-t-on et que pense-t-on faire ? Est-ce que la terre française aurait cessé tout à coup d’être foulée par l’étranger ? Est-ce que nous en aurions fini avec nos dettes, avec l’occupation allemande, avec toutes ces misérables suites d’une guerre néfaste, ou, mieux encore, est-ce que depuis une année nous n’aurions fait qu’un mauvais rêve qui, en se dissipant aujourd’hui, nous permettrait de revenir sans danger et sans crainte à la liberté de nos agitations et de nos querelles ? On serait presque tenté de se poser ces questions, rien qu’à voir ces confusions, ces incohérences, ces conflits, qui envahissent de nouveau notre politique, qui dénotent tant de passion et si peu de mémoire. Non, franchement, tout ce que nous voyons depuis quelques jours, ce qui se passe à Versailles, comme dans certaines régions de la France, n’est ni beau, ni rassurant, ni même digne d’une nation qui, avec le sentiment de son malheur, peut garder la virile espérance de se relever, de refaire sa fortune perdue.

On avait pourtant paru d’abord avoir conscience du fléau vengeur qui nous frappait ; on s’était dit ou on avait eu l’air de se dire que l’épreuve était dure, mais qu’elle devait être pour nous le commencement de la sagesse, que ce n’était plus le moment de se livrer à de vaines disputes de partis au milieu des ruines publiques accumulées par la guerre étrangère et aggravées encore par la guerre civile, qu’il n’y avait plus désormais pour tous qu’une seule pensée et un seul but, la grande blessée à guérir, la France de tous les Français à reconstituer, à remettre en honneur aux yeux du monde. On avait compris la suprême nécessité d’une trêve nationale de toutes les opinions devant l’ennemi et devant le malheur, et cette trêve décorée du nom de pacte de Bordeaux, on la mettait sous la sauvegarde du patriotisme de l’assemblée et de M. Thiers. Tout ce qu’on pouvait dire, on l’a dit cent fois, on le répète encore tous