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réclamations ; les conditions de domicile pour l’aptitude au vote municipal sont devenues plus sévères. Le sont-elles assez ? Nous n’oserions le dire ; nous persistons aussi à penser qu’il aurait fallu exiger de l’électeur la preuve du paiement d’une contribution personnelle quelconque. Quoi qu’il en soit, prenons le nouveau conseil comme il est, résignons-nous à ce qu’il fera ; il nous trompera peut-être tous. Qu’il sache seulement à quel point la fortune de la ville dépend de lui ; elle n’aura jamais été si prospère, s’il veut une fois pour toutes fermer la bouche aux critiques moroses qui doutent de la persistance dans les voies de l’économie et de la modération d’hommes nommés en général par des électeurs auxquels manquent la notion des intérêts communs, de leurs propres devoirs, des droits d’autrui, et surtout le respect de la loi.

Nous n’avons après tout aucun doute sérieux sur les destinées futures de notre ville, et nous maintenons les appréciations optimistes que nous avons si souvent développées ici même. Paris vient de subir la guerre étrangère et la guerre civile, et a également souffert de l’une et de l’autre. Toutes deux sont assurément redoutables, la première seule est mortelle, car les nations peuvent disparaître. La seconde ferait des ravages d’autant plus cruels qu’elle durerait davantage ; mais, partout où les hommes vivent en société, la société même ne peut périr, et il n’est donné à personne d’en changer les conditions. Tant que dure la tourmente, on les croit en péril ou l’on se flatte de les modifier ; à la première trêve, elles reprennent leur empire. Dès que la société se remet en marche, elle obéit aux lois essentielles du mouvement : elle consomme, elle produit, elle travaille ; elle rétablit la régularité, la distribution et l’épargne. On peut tuer quelques capitalistes, on ne tue pas le capital ; menacé la veille, il se reforme le lendemain. On proscrit l’honnêteté, le savoir, la sainteté ; quelques jours sont passés, les autels sont relevés, et de nouveaux noms ont été inscrits parmi les héros et les martyrs. Hier le crime le plus hideux était triomphant, aujourd’hui la justice a repris ses droits et rend ses arrêts. Sans doute tout danger n’a pas disparu, et c’est au contraire plus que jamais le cas de veiller, de prévoir et de prévenir. Dieu aidant, il faut croire que, capitale politique, capitale des arts, des sciences et des affaires, notre ville, avec la prospérité de ses finances, retrouvera la supériorité des lumières, la prééminence intellectuelle, le génie civilisateur, qui ont fait que dans l’histoire, immédiatement, après le nom de Rome, vient celui de Paris.


BAILLEux DE MARISY.