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arrivée à son dernier terme, quand on vit les malheureux tomber d’inanition dans les rues, on perdit patience ; on en vint à crier : du pain ou la paix ! Plusieurs émeutes éclatèrent en juillet et août 1590. L’autorité fut impitoyable ; on dispersa militairement les attroupemens, on arrêta plusieurs des meneurs, et parmi eux quelques magistrats dont on était désireux de se débarrasser. Des exécutions sommaires eurent lieu, des malheureux furent pendus ; on interdît, sous peine de la vie, de proposer de se rendre. Henri IV, touché de compassion pour cette population infortunée qu’une bande de fanatiques livrait au désespoir, permit aux femmes et aux enfans de quitter la ville, et laissa une fois sortir trois mille pauvres. La détresse fut telle que les habitans ne tinrent plus compte des menaces que les seize faisaient crier dans les rues ; on parlait tout haut d’une trêve ou d’un arrangement. L’évêque de Paris et quelques personnages influens entamèrent des négociations. Les exaltés n’osèrent trop y faire obstacle, et un armistice fut obtenu d’Henri IV. Des intelligences s’établirent alors entre les hommes de l’armée royale et les Parisiens ; on introduisît de cette façon quelques vivres dans la ville. Divers individus profitèrent de la suspension d’armes pour s’échapper de Paris. La reddition semblait imminente. Le roi imposait pour condition que la ville ouvrît ses portes sous huit jours, si elle n’était secourue par Mayenne, alors sur les confins de la Champagne et de la Picardie, ou si la paix n’était conclue dans le même délai. Le parti de la guerre à outrance était aux abois ; les prédicateurs se démenaient vainement dans leurs chaires, et vomissaient sur le Béarnais un torrent d’invectives afin de retenir encore les fidèles. Les seize, qui songeaient à eux, non à la religion et à la France, et qui, dit L’Estoile, craignaient la corde, demeuraient inébranlables dans leur résolution de résister jusque la fin, et redoublaient de fureurs et de menaces. Le mois d’août 1590 s’écoula dans une indicible perplexité. La ligue allait être contrainte de s’avouer vaincue, quand parut le duc de Parme, accouru des Pays-Bas par ordre de Philippe II. Henri IV leva tout à coup le siège. Les hostilités s’éloignèrent de Paris, et tandis que la guerre allait prendre une nouvelle extension par l’intervention simultanée de diverses puissances étrangères, cette ville put se ravitailler quelque peu, et sentît se desserrer le cercle de fer qui l’étreignait depuis quatre mois. Mayenne continua de commander à l’extérieur les forces de la ligue ; l’existence même de la France était alors en péril. Les puissances étrangères, l’Espagne, la Savoie, le duché de Lorraine, s’apprêtaient à la démembrer, et Heim IV ne parvenait à repousser les ligueurs qu’en appelant à son aide les Anglais et les Allemands. Le fanatisme religieux et les passions démagogiques avaient éteint tout patriotisme chez les hommes du parti exalté ;