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rues, de fortes barricades où seraient postés les chefs de section. Cette insurrection donnerait le signal de celle de toutes les villes confédérées, et alors on procéderait à une nouvelle Saint-Barthélémy où les politiques, c’est-à-dire les catholiques qui tenaient pour le roi, ne seraient pas plus épargnés que les huguenots. La conspiration fut révélée au chancelier par le lieutenant de la prévôté Nicolas Poulain, qui s’y était d’abord laissé affilier, mais qui ne tarda pas à reculer devant les conséquences d’une pareille entreprise. Le roi, averti à temps, manda en toute hâte des troupes, fit garder soigneusement les portes de la ville, et renforça les points dont les conjurés comptaient s’emparer. Le conseil secret de l’union vit que l’affaire était éventée, mais il ne se découragea point, remit à un autre temps l’exécution du projet et ne fit que redoubler d’activité. Les cinq chefs de section s’en adjoignirent bientôt onze autres, en sorte que chaque quartier de Paris eut un chef qui devait prendre le commandement des conjurés au premier signal. De là le nom des seize que reçut cette redoutable association qui allait jouer un rôle analogue à celui qu’eût, lors de la grande révolution, la société des jacobins. Les seize épiaient l’occasion de surprendre ou de frapper Henri III, qui, chaque fois averti à temps, trompa leurs projets, mais qui ne se sentait pas assez fort pour sévir énergiquement, faire arrêter les chefs, alors en correspondance avec Mayenne, lequel était allé rejoindre son frère Henri de Guise afin de s’entendre sur les moyens d’assurer le succès de quelque nouvelle entreprise. Grâce à la connivence de certains quarteniers, les affiliés recueillaient, sous couleur d’œuvres de charité et d’utilité publique, des cotisations destinées à en faire les frais.

En 1587, le départ du roi avait été marqué par un débordement d’injures et d’écrits contre sa personne ; on colportait sur son compte les plus atroces calomnies. Le curé Boucher, qui s’était signalé par un virulent libelle intitulé la juste Abdication d’Henri III, osa publiquement accuser ce prince d’avoir fait jeter à l’eau le docteur Burlat, théologal d’Orléans, quoiqu’il le sût parfaitement en vie. La reine-mère, qui n’avait pas quitté la capitale, favorisait les Guises, et le gouverneur de Paris, Villequier, infatué de ses mérites et confiant dans son autorité, quoique la cour fût remplie des complices des Lorrains, se croyait en mesure de déjouer toute entreprise, et tenait peu compte des avis qu’on lui transmettait. Le conseil secret rencontrait journellement de nouveaux adhérens, que recrutaient pour lui les diatribes et les excitations des prédicateurs, la plupart mêlés au complot.

Henri III, d’un caractère faible et irrésolu, ne savait s’il devait procéder par voie de répression énergique, ainsi que le lui conseillaient le duc d’Épernon et ses amis, ou user de douceur, comme le