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du roi des marques de défiance ; beaucoup d’entre eux n’auraient voulu ni sergens ni archers et prétendaient que leur milice suffisait à maintenir l’ordre : c’est ce que soutenaient surtout les partisans d’Henri de Guise, qui ne désiraient rien tant que de voir le roi à la merci d’une ville dont ils comptaient bientôt être les maîtres. Henri III, qui connaissait leurs menées, craignait pour sa personne, s’entourait d’une garde dévouée et bien payée, ce qui mécontentait davantage encore les Parisiens. On l’accusait d’avoir institué l’ordre du Saint-Esprit pour se faire des chevaliers une sorte de garde prétorienne. Plus les embarras du trésor s’aggravaient, autant par les prodigalités de la cour et le gaspillage des deniers publics que par les dépenses excessives que nécessitait l’entretien des troupes, plus le roi s’adressait à la bourse de ses sujets, et en particulier à celle des bourgeois de Paris. Tantôt il imposait de nouvelles taxes, tantôt il réclamait un don d’argent ou enlevait à la ville l’une des fermes de son revenu, enfin il augmentait incessamment le nombre des offices, afin que la vente lui en procurât quelques nouvelles sommes. Ces créations inutiles devenaient singulièrement onéreuses pour la population. Pierre de L’Estoile écrivait à la date de 1578 : « Tous les estats de France se vendoient au plus offrant, principalement de la justice qui estoit la cause qu’on revendoit en détail ce qu’on avoit acheté en gros et qu’on espiçoit si bien les sentences aux pauvres parties qu’elles n’avoient garde de pourrir. » Henri III recourait de plus à de fréquens emprunts faits sur sa bonne ville de Paris, et pour être mieux assuré de trouver des prêteurs il alla une fois jusqu’à interdire aux notaires, sous peine de nullité de l’acte, de recevoir aucun contrat de constitution de rentes pour les particuliers, enjoignant à tous ceux qui avaient de l’argent à bailler à rentes de le porter au receveur de la ville, lequel devait leur en faire une rente au denier douze ; mais par malheur le gouvernement payait fort inexactement les arrérages, et Henri III se permit à diverses reprises, de saisir les écus qui leur étaient destinés. De là des plaintes nombreuses et certes bien fondées.

Plus on accusait le roi de condescendance envers les huguenots, de mauvais vouloir contre les défenseurs de la cause catholique, plus il affectait des démonstrations d’une dévotion puérile et ridicule, peu d’accord avec les désordres de sa vie privée, les scandales de la cour et les orgies de ses mignons.

Ainsi, quoique Henri III eût fait beaucoup pour leur ville, où il résida fréquemment, quoiqu’il en eût enrichi les marchands par ses dépenses excessives et ses fêtes magnifiques, à la fin de son règne, les Parisiens ne ressentaient à son endroit que colère et rancune. Le parlement ne ménageait pas au roi les remontrances, et opposait une résistance décidée au déluge d’édits bursaux qu’on lui