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DERNIER DISCOURS DU PATRIOTISME ATHÉNIEN.

toire. De là ce soin de faire valoir les campagnes où viennent de périr les soldats d’Athènes et d’en relever les traits caractéristiques, ce que ne paraissent pas avoir fait les orateurs des époques précédentes. Il semble que cet hommage traditionnel rendu au peuple athénien sous la forme de l’oraison funèbre ait été comme une statue idéale dont la hauteur n’eût pas permis de voir le détail de la physionomie. Immobile dans son magnifique costume, elle produisait son effet par la beauté théâtrale des attitudes, et non par le charme d’une expression accidentelle et fugitive. C’était donc une nouveauté que d’entendre un éloge précis et particulier des luttes dont on honorait les victimes. Auparavant Athènes était si occupée de l’honneur qu’elle leur rendait ou plutôt qu’elle se décernait à leur occasion, qu’elle songeait à peine aux circonstances de leur mort. — Hypéride au contraire n’oublie pas de rappeler, et la première victoire remportée en Béotie, et l’occupation du passage des Thermopyles, et la défaite d’Antipater cherchant un refuge dans Lamia, et l’alliance volontaire de l’Étolie, de la Phocide, de la Thessalie, entraînées à la suite d’Athènes par ses succès. Il ne peut trop célébrer les nombreux combats soutenus dans cette dure campagne, où il fallait encore lutter contre les intempéries et les privations. Il replace les principales batailles sur leur théâtre, afin d’y montrer aux Athéniens le courage qu’ils ont déployé et les garanties de leur gloire à venir. En Béotie, ils voyaient les ruines de Thèbes, son acropole gardée par une garnison macédonienne, son territoire privé de ses habitans vendus comme esclaves et partagé entre des propriétaires étrangers : quelle éloquente exhortation à combattre énergiquement ! Aux Thermopyles, deux fois par an la Grèce enverra ses représentans siéger au conseil amphictyonique, et chacune de ces réunions y réveillera le souvenir des vainqueurs. Quels vainqueurs en effet ont jamais été plus dignes de souvenir ? « Quels soldats combattirent jamais pour un plus beau prix et en moindre nombre contre un ennemi plus puissant ? La force fut pour eux dans la vertu, le nombre dans le courage ;… ils firent de la liberté le bien commun de tous les Grecs, et de la gloire acquise par leurs actions, une couronne immortelle dont ils ceignirent leur patrie. »

Voilà les éloges qu’Athènes prise le plus en ce moment ; elle veut qu’on lui parle de ces jours où elle vient de secouer la longue humiliation du joug macédonien, qu’on célèbre cette revanche de Chéronée, attendue pendant seize ans ; elle le demande impérieusement à son orateur. Elle l’autorise en même temps à une autre innovation où la marque de l’époque n’est pas moins visiblement imprimée, et c’est là ce qui distingue le plus profondément le discours d’Hypéride de tous ceux du même genre. À l’origine, l’oraison fu-