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préparé en 1848 contenait tout un plan de ce genre. On y modifiait la situation des cours, dont le ressort était étendu et le nombre par conséquent réduit. Or la suppression de la moindre cour d’appel équivaut pour le trésor à un bénéfice de plus de 185,000 francs. On touchait aussi aux tribunaux de première instance; on cherchait à en restreindre le nombre, soit par un déplacement du siège, mieux adapté aux nouvelles voies de communication, soit par une augmentation de la compétence des juges de paix. Ces idées, dont le mérite peut être réel, ne doivent être accueillies qu’avec une extrême réserve. Il vaudrait évidemment mieux ajouter chaque année quelques millions à la dépense que troubler et désorganiser le service de la justice,

À cette économie douteuse de 1 million, on peut joindre des économies plus certaines sur d’autres chapitres rattachés au budget de ce ministère, les 300,000 francs alloués au conseil privé, les réductions opérées sur le conseil d’état, qui dépasseraient 1,100,000 fr., en reconstituant ce conseil sur les bases de 1848, enfin les 21,000 fr. accordés au secrétaire-général du ministère et à quelques auditeurs au conseil d’état pour le conseil du sceau des titres. On voit que le tout réuni n’excéderait guère 2 ou 3 millions.

Après la justice viennent les cultes, pour lesquels le dernier budget de l’empire demandait 55, 400, 000 francs. Une opinion radicale n’hésite pas à réclamer l’économie de toute cette somme en supprimant entièrement ce budget au nom du principe de la séparation de l’église et de l’état. Elle voudrait ramener l’église aux premiers jours de son existence, alors qu’elle subvenait à ses besoins par les seules offrandes des fidèles; mais elle oublie que depuis cette époque des faits importans se sont passés, que les oblations primitives n’ont pas tardé à faire place à des donations et à des legs, que la propriété ecclésiastique a grandi à l’ombre de la protection des premiers empereurs chrétiens, que même en France elle est parvenue, sous l’œil bienveillant des anciennes dynasties, à prendre des développemens considérables. En 1789, les biens du clergé furent mis à la disposition de la nation et vendus au profit de l’état; mais, à titre de compensation., le décret du 24 août 1790 accorda aux ministres de la religion un traitement, dont le principe fut reconnu en 1793 même par le décret du 18-20 septembre de ladite année. Le même principe a été confirmé dans le concordat de 1801, et ce fut pour ainsi dire à ce prix que l’église abandonna toute réclamation contre la dépossession dont elle avait été victime. Supprimer aujourd’hui le traitement du clergé, ce serait rompre le contrat passé en 1793 et renouvelé en 1801, ce serait faire revivre des droits éteints et donner à l’église la faculté de réclamer ses biens aliénés, ou du moins une indemnité équivalente, et il serait