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année, comme on s’aperçoit vite de l’immense part que la médiocrité et l’incapacité ont eue dans nos malheureuses affaires, depuis ce jeune dictateur qui veut conduire des armées jusqu’à tous ces préfets de la dictature, complices de toutes les factions ! La médiocrité, elle est partout dans ce triste monde révolutionnaire, elle se montre en vérité jusque dans le crime. Voyez ces procès qui se déroulent devant les conseils de guerre de Versailles : ils sont là quelques-uns, tout heureux d’avoir été des personnages, et qui semblent ne pas même soupçonner la portée de leurs actions. Ce sont des criminels vulgaires qui ont tenté l’incendie de Paris, qui ont massacré des otages, et ils en sont à discuter, sur des banalités de procédure. C’est à laisser croire qu’ils ne se doutaient pas de ce qu’ils faisaient. L’intelligence chez eux semble au niveau du sens moral. Et voilà le monde dont Paris a subi un instant la domination ! Il est bien temps, on en conviendra, d’effacer les traces de ces médiocres et lugubres exhibitions, de remettre de l’ordre dans les esprits comme dans les rues, de raviver partout le sentiment d’un idéal supérieur, afin de pouvoir de nouveau montrer au monde la France, la vraie France, telle qu’elle a été, telle qu’elle doit être.

Oui franchement, il est temps que dans ce malheureux pays si éprouvé tout reprenne enfin un caractère sérieux, et c’est pour cela qu’il est utile d’en finir avec toutes ces discussions qui mettent le pouvoir en doute, afin que M. Thiers, mieux affermi aux affaires, puisse organiser avec autorité, avec efficacité, le gouvernement qui convient à la France. Le chef du pouvoir exécutif avait déjà commencé, même avant la dernière crise, en appelant au ministère des affaires étrangères M. de Rémusat, qui depuis la révolution s’était dérobé à la vie publique. Certes nul n’est mieux fait pour représenter le pays que cet homme d’élite, qui réunit la supériorité de l’esprit et l’honneur du caractère. Pour la France et pour l’Europe elle-même, M. de Résumsat est l’écrivain éminent, l’ancien député toujours fidèle à ses convictions libérales, l’homme familier dès longtemps, par une sorte de tradition, avec tous les intérêts publics. Il prend assurément dans une heure difficile la direction des affaires extérieures de notre pays ; il recueille un lourd et cruel héritage. Il était, comme M. Thiers, d’un temps où la France était prospère et heureuse entre les nations ; il la retrouve humiliée, démembrée et réduite à se relever des plus horribles désastres, à refaire ses relations diplomatiques avec tout le reste ; mais, dans cette œuvre difficile, il porte ce qui peut le mieux aider au succès : un patriotisme inviolable et la certitude de faire honorer la France dans sa personne.

CH. DE MAZADE.

C. BULOZ.