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choses ne comporte plus de telles transactions. Il ne faut plus de fonctions de complaisance, ni de places de fantaisie. Les emplois doivent être peu nombreux, et ceux qui les remplissent astreints à un travail réel. Cessons de préparer dans les bureaux des ministères et des administrations publiques un asile calme à l’ombre duquel les jeunes gens abritent leur indolence. On obligera dès lors leur activité à s’exercer, à se porter sur un objet plus fécond, et du même coup non-seulement on diminuera la dépense de l’état, mais encore on accroîtra les ressources du pays; on grossira l’armée des travailleurs, le contingent de l’agriculture, du commerce et de l’industrie en mettant fin une bonne fois à cette manie des places qui a possédé la nation française à toutes les époques.

Nous sommes loin d’exprimer ici une idée nouvelle ; on a eu souvent l’occasion de la produire, et on a tenté de la mettre à exécution. Un ministre de l’empire avait entrepris une réforme de ce genre, qui devait s’accomplir notamment dans les administrations centrales des ministères. Il donna l’exemple dans le ministère des finances; mais il ne fut que médiocrement secondé par ses collègues. Sauf ce département et celui de la guerre, qui ont diminué le nombre de leurs employés, on voit dans tous les autres le personnel rester stationnaire et même augmenter d’une manière sensible. On remarque surtout cette progression dans les bureaux des affaires étrangères et de l’intérieur. En vingt ans, de 1850 à 1870, ces deux ministères ont presque doublé leur personnel. Le premier compte aujourd’hui 116 employés au lieu de 73, et le second 356 au lieu de 199, bien qu’il ait été dépouillé des archives et des beaux-arts. Il y avait en même temps une tendance particulière à multiplier les emplois supérieurs. En 1850, le nombre des directeurs pour tous les ministères ne dépassait pas 31, et leur traitement variait entre 10,000 et 15,000 francs. Aujourd’hui leur nombre atteint 43, et leur traitement s’élève à 15,000 et 25,000 fr. Au lieu de 52 sous-directeurs, chefs de division et fonctionnaires du même ordre, on en trouve 72, et 247 chefs de bureau au lieu de 240. La dépense totale du personnel des administrations centrales a monté en vingt ans de 9 millions à 12, c’est-à-dire d’un tiers environ.

En diminuant le nombre des gros emplois, en transformant en simples bureaux les directions et les divisions les moins importantes, en ne maintenant dans les cadres de l’administration que les chefs et commis indispensables, on pourrait gagner 11 ou 1,200,000 francs sur l’ensemble des ministères. En procédant avec sévérité, on pourrait ajouter à ces 1,200,000 francs une diminution de 5 à 600,000 francs sur les dépenses du matériel des administrations centrales à Paris.