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On entraverait ainsi dans une de ses parties l’accroissement de la dette viagère, laquelle trouvera de nombreux élémens d’augmentation dans les événemens de la guerre et dans les actes qui, à la suite des révolutions, bouleversent le personnel administratif. On doit compter sur un accroissement de 1 million pour les pensions nouvelles accordées aux soldats, gardes mobiles ou gardes nationaux blessés dans la guerre, ainsi qu’aux magistrats et fonctionnaires mis à la retraite depuis le à septembre. En déduisant ce million, l’économie réalisée par la conversion de l’emprunt Laurier se trouvera ramenée à 4 millions 1/2.

Les dotations, qui formaient sous l’empire un total important, ont perdu leurs plus grosses dépenses dans la révolution du 4 septembre. Le budget n’a plus à supporter ni les 25 millions de la liste civile, ni les 1,500,000 francs alloués aux princes de la famille impériale, ni les 6 millions 1/2 du sénat. Il ne reste plus sur ce chapitre que les dépenses administratives et les indemnités de l’assemblée nationale, le supplément à la dotation de la Légion d’honneur et la dotation allouée pour les dépenses du pouvoir exécutif.

En 1849, les dépenses de l’assemblée nationale dépassaient 8 millions. Il n’est guère présumable que l’assemblée actuelle puisse compter un chiffre moindre. Cette somme ne serait diminuée que si l’assemblée avait le courage d’en faire elle-même le sacrifice, d’abaisser ou, mieux encore, de supprimer entièrement l’indemnité attribuée à chacun de ses membres. Dans ce dernier cas, les seuls frais seraient ceux du matériel et de l’administration, et n’excéderaient pas 1,500,000 francs.

On a déjà beaucoup discuté le système de la représentation gratuite. Indépendamment de l’économie procurée au trésor, elle serait, selon nous, plus conforme à la dignité de l’assemblée, à l’austérité du régime républicain. L’honneur d’exercer une part de la souveraineté nationale nous semblerait plus complet et plus grand, s’il n’était pas accompagné d’une rémunération pécuniaire. L’influence du député et l’estime de sa personne gagneraient à ce que son siège à l’assemblée ne fût pas une place. Il serait bon d’ailleurs d’enseigner par cet exemple éclatant que l’acceptation des fonctions politiques, loin d’être la source du plus mince profit, est au contraire un acte de désintéressement, le sacrifice de l’homme de bien résolu à consacrer au pays son expérience et ses talens sans attendre d’autre récompense que la satisfaction de sa conscience et le respect de ses concitoyens. On donnerait ainsi à l’assemblée plus d’indépendance, plus de force : on la dégagerait de tout ce qui pourrait dans ses actes paraître un calcul d’intérêt personnel et mesquin; on aurait enfin l’avantage d’éclaircir les rangs épais des candidats en ne suscitant plus leurs convoitises par l’appât d’un traitement.