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personnel. Le navire étant donné, aucune nation maritime ne saurait se flatter de pouvoir, aussi rapidement que nous, le munir d’un équipage. L’inscription maritime est une force toujours prête, une réserve dont le recensement s’opère à chaque heure et que nous n’avons pas besoin d’exercer, car l’industrie même dont elle vit la tient constamment en haleine. Elle a son ban et son arrière-ban, les hommes de première et les hommes de seconde levée. Une portion de cette population, adonnée à la petite pêche, ne quitte pas le littoral ; l’autre est employée à la navigation au long cours. Cette portion pourrait être compromise par une brusque déclaration de guerre, si les pêcheurs n’étaient là pour subvenir aux premiers armemens qui doivent assurer son retour. Jamais ressource ne fut plus précieuse, et, — qu’on me passe le mot, — ne fut mieux aménagée. Il ne serait que trop facile d’en abuser, et nous l’avons durement exploitée quelquefois. Par bonheur, ce n’est pas notre seul moyen de recrutement ; nous pouvons demander à ce fonds commun où l’armée puise son contingent annuel le tiers environ de nos effectifs. Aussi, lorsqu’il nous a fallu passer subitement du pied de paix au pied de guerre, les hommes ne nous ont-ils jamais manqué ; mais des hommes, si nombreux qu’ils soient, ne sont pas un équipage. Si l’on prend, comme la chose semble naturelle, pour base de l’effectif attribué à chaque vaiss.au, le rôle de combat, on verra qu’il est indispensable d’assurer à l’avance certains services spéciaux. Le gouvernement de juillet avait établi pour le service de l’artillerie une école flottante de matelots-canonniers ; on donna une large extension à ce système. On voulut avoir pour chaque fonction des hommes d’élite préparés par une instruction préalable et pourvus, comme les canonniers, d’un brevet de capacité. C’est ainsi que le port de Lorient fut chargé de former pour la flotte des matelots-fusiliers, que celui de Toulon joignit au soin d’instruire nos chefs de pièce la tâche, comparativement facile, de dresser un certain nombre de jeunes gens à l’interprétation des signaux et aux menus détails du service de la timonerie. La création de ces deux spécialités était une excellente mesure. Il avait suffi, pour en réaliser la pensée, de reproduire, avec des altérations presque insignifiantes, une institution déjà en vigueur. La chose fut moins simple quand il fallut assurer le recrutement et la composition du personnel de nos machines. Un manuel d’examen fut arrêté, des concours semestriels furent ouverts aux candidats de tout grade, appel fut fait aux écoles de l’industrie aussi bien qu’aux écoles de nos ports, et cependant l’œuvre resta incomplète. On a dû y revenir à diverses reprises, on y reviendra encore avant de pouvoir se déclarer satisfait. En réalité, il ne s’agit de rien moins que de créer une marine dans