Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 94.djvu/689

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sinistre et mystérieuse pellagre, et l’alios ne fait guère sentir désormais ses effets que sur les racines pivotantes des pins, qu’il force à se transformer en racines traçantes. » Comment ce résultat peut-il s’expliquer ? C’est ce que l’on comprendra en remontant aux causes mêmes qui ont donné naissance au tuf des Landes. M. Faye a pu les étudier à fond pendant les travaux de nivellement dont il était chargé en 1837 et qui ont nécessité de nombreux sondages.

La couche d’alios se rencontre à une profondeur d’environ 1 mètre, elle offre une épaisseur variable, mais généralement assez faible, et recouvre elle-même une couche indéfinie de sable identique à celui de la surface. Lorsqu’on pratique en été un trou dans le sol en s’arrêtant à l’alios, on y voit apparaître un peu d’eau jaune à peine potable ; mais si l’on perce le tuf, on trouve immédiatement au-dessous une eau abondante et limpide. On réussit aujourd’hui à conserver à cette eau inférieure sa limpidité en recouvrant de ciment les parois des puits jusqu’à l’alios, de manière à empêcher les infiltrations latérales. Il existe donc en été une nappe d’eau souterraine dont le niveau atteint la couche de concrétions pierreuses. En hiver au contraire, et au commencement du printemps, le sol presque horizontal des Landes est comme une éponge imprégnée d’eau pluviale. Sous l’influence du soleil, cette eau s’évapore en été jusqu’à la profondeur de 1 à 2 mètres, qui s’accorde avec le niveau général des étangs et marais de la contrée. L’alios semble donc marquer l’étiage des eaux du sous-sol ; il matérialise en quelque sorte le niveau de la basse marée souterraine. Les racines des végétaux de la lande ne séjournent pas dans l’eau stagnante pendant une moitié de l’année sans subir une décomposition partielle, dont les produits sont entraînés de haut en bas lors de la retraite des eaux à l’approche de l’été. Pendant la stagnation périodique de l’étiage, les sédimens organiques se déposent et cimentent les grains de sable, et ces dépôts renouvelés pendant des siècles ont fini par former la couche de tuf dont l’existence semblait si difficile à expliquer. Dans les marais, l’alios ne peut pas se former, parce que les eaux ne se retirent pas dans le sol ; il manque également dans les dunes boisées, parce que l’eau qui tombe du ciel n’y séjourne pas : elle s’écoule incessamment soit vers la mer, soit vers les marais de l’intérieur. Dans ces dunes, les longues racines des pins descendent à une grande profondeur sans rencontrer d’obstacle. L’alios ne prend naissance que dans les plaines où les pluies d’hiver produisent une nappe d’eau souterraine forcée de baisser verticalement sur place et de rester périodiquement en stagnation à un niveau fixe. La présence de la matière ferrugineuse dans le ciment aliotique peut être expliquée par l’action que, d’après M. Spindler, la pourriture des plantes exerce sur les oxydes de fer. Ce chimiste a constaté que, sous l’influence des racines en décomposition, le peroxyde de fer se modifie et devient attaquable