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financière dont ils porteront le poids, et si le gouvernement peut trouver assez de garanties dans Paris pour y rentrer bientôt. C’est ce sentiment très net, très positif, que la pratique des institutions locales peut contribuer à réveiller, en même temps qu’elle peut aider à former des hommes pour la vie publique, à stimuler toutes les saines activités, à développer l’habitude des affaires, à préparer même des caractères.

Ainsi se forment les mœurs publiques. M. le ministre de l’intérieur, qui avec son esprit conciliant voudrait bien faire la part de la réforme, mais qui s’en effraie comme membre du gouvernement, M. Lambrecht disait l’autre jour : « C’est l’assemblée nationale qui doit être la gardienne des libertés du pays. » Oui, c’est dans l’assemblée que les libertés se décrètent ; mais c’est un peu partout qu’elles se préparent, c’est dans les institutions indépendantes répandues à la surface du pays qu’elles se pratiquent, c’est par les mœurs qu’elles deviennent une réalité et qu’elles se consolident. Sait-on pourquoi la liberté politique a été toujours si exposée en France ? C’est parce qu’elle n’était qu’au sommet, tandis que nous restions, comme l’a écrit un jour M. le duc de Broglie, « une nation réduite à fronder, à critiquer, à regarder faire en se croisant les bras, » incomplètement associée aux embarras et à la responsabilité des choses. Il faut changer de voie, l’avenir est à ce prix, et voilà pourquoi la loi sur les conseils-généraux est une des réformes les plus décisives, à la condition pourtant qu’elle sera prise au sérieux par le gouvernement et par le pays.

La France a certes pour le moment assez à faire sans se jeter dans les aventures. L’assemblée elle-même vient de s’en apercevoir tout récemment, comme aussi elle a montré une fois de plus ce qu’il y a de dangereux à livrer les questions les plus délicates de politique extérieure à la merci de toutes les impressions. L’assemblée a voulu avoir sa discussion sur les affaires de Rome, elle l’a eue ; en est-elle beaucoup plus avancée ? Si nous en étions encore à tout voir à travers le prisme de l’éloquence, assurément on ne pourrait qu’être satisfait. M. l’évêque d’Orléans a plaidé éloquemment la cause de Rome, M. Thiers a fait un de ces discours où il sait si bien concilier toutes les hardiesses et les devoirs de réserve qui sont dans sa position. Malheureusement il ne s’agit plus seulement d’éloquence, quoique l’éloquence soit encore une force ; il s’agit de nos intérêts les plus pressans et les plus pratiques. Que pouvait-on espérer de ces pétitions qui étaient l’objet de la discussion et qui demandaient à la France de relever la cause du pouvoir temporel du pape, de reprendre Rome à l’italie pour la rendre au pontife ? Ne voyait-on pas que pour un résultat impossible on s’exposait à provoquer dans l’assemblée des manifestations de nature à nous susciter des difficultés, qu’on pouvait créer de singuliers embarras au gouvernement lui-même ? On ne demandait pas la guerre pour le pouvoir temporel ; non,