Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 94.djvu/680

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de s’imposer, et qu’ils ne peuvent emprunter sans une autorisation législative. Après comme avant la loi, les préfets ne restent pas moins les représentans du pouvoir central, les exécuteurs des lois, les gardiens de l’ordre public, les chefs politiques des départemens. Rien ne peut se faire sans eux et autrement que par eux. Ils sont l’exécutif des départemens, comme le chef du gouvernement est l’exécutif de l’assemblée et de la France.

Oui, dit-on, mais il y aura des conflits entre les préfets et les conseils-généraux ou les délégations départementales. C’est fort possible, il y aura des conflits comme il y en a toujours là où règne une certaine liberté ; ces conflits s’apaiseront, comme ils s’apaisent presque toujours, sous l’influence d’une nécessité de concorde, ils deviendront de plus en plus rares à mesure que les mœurs publiques se formeront, et à la dernière extrémité le gouvernement garde toujours comme garantie à l’égard des conseils-généraux le droit de suspension temporaire par décret ou de dissolution par voie législative. Que faut-il de plus ?

L’intérêt essentiel de la puissance publique peut et doit rester intact, rien n’est plus évident. Le jour où le gouvernement parle au nom de la France et de l’assemblée qui représente la nation, il faut qu’il soit partout obéi, c’est encore moins douteux. La loi nouvelle ne change rien à cela. Avouons-le cependant, il est bien vrai qu’elle peut avoir certaines conséquences. Il peut en résulter par exemple que les préfets ne puissent plus être absolument ce qu’ils étaient trop souvent. Par cela même qu’ils cesseront d’être de petits dictateurs, qu’ils n’auront plus à leur service tous ces moyens d’action, faveurs, subventions, emplois, à l’aide desquels ils se flattaient de faire marcher leur département comme un régiment, surtout un jour d’élections, il faudra qu’ils suppléent à ce qu’ils n’auront plus par l’ascendant moral, par l’autorité personnelle. Ils auront à compter avec la représentation indépendante de l’esprit et des intérêts d’un département. Il faudra qu’ils se créent en quelque sorte leur situation, qu’ils gagnent l’influence par leur aptitude, par la considération qu’ils devront mériter, s’ils veulent rester à la hauteur du rôle politique qu’on leur confie. On verra peut-être un peu moins de ces administrateurs de hasard envoyés du nord au midi, du midi au nord, et qui n’ont aux yeux des populations d’autre titre que d’être M. le préfet. Quand même les préfets seraient obligés d’être capables et actifs, où serait le grand mal ? Il peut résulter aussi de la loi nouvelle une autre conséquence un peu plus haute encore et peut-être plus délicate, c’est que les ministres eux-mêmes soient tenus de ne point être trop dépaysés dans leurs fonctions, de ne plus se borner à laisser marcher toute seule une machine qu’ils trouvent tout organisée. Ce n’est pas tout d’être ministre ; il est évident qu’aujourd’hui, en présence d’une situation si complètement transformée, le choix des fonctionnaires de tout ordre