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côté un langage assez éloquent. Une commission parlementaire s’est livrée au travail le plus consciencieux et le plus approfondi. Aujourd’hui la décision ne peut plus être ajournée, d’autant plus qu’on semble s’être mis d’accord sur le principe même du service obligatoire. Le principe admis, tout n’est point fini certainement, mais du moins on a fait un grand pas, on a un point de départ fixe, et on peut s’engager dans cette œuvre laborieuse, difficile, patriotique, de la réorganisation de l’armée. Une discussion prompte, suivie d’une solution définitive, aurait l’avantage de dissiper toutes les incertitudes, de mettre fin à une foule de polémiques très vives, très bien intentionnées, nous n’en doutons pas, mais qui ne sont peut-être pas toujours profitables à l’esprit militaire. Certes, dans l’étude de ce grand problème de l’organisation de notre armée nouvelle, les rapports que M. le colonel de Stoffel adressait autrefois de Berlin au gouvernement impérial, et qu’il rassemble aujourd’hui, sont un des documens les plus utiles et les plus saisissans. Ces rapports, où éclate le pressentiment attristé de nos désastres, montrent d’avance ce qui manquait à la France, ce qui faisait la supériorité de la Prusse ; ils sont l’analyse passionnée et lumineuse de l’inégalité de ces forces qui allaient s’entre-choquer, et ils sont inséparables de l’histoire de cette guerre, conduite avec une impéritie que M. de Persigny avoue aujourd’hui, après avoir été entreprise par l’imprévoyance. Nous nous demandons seulement par quelle étrange inspiration M. le colonel Stoffel a cru devoir ajouter à ces rapports une préface amère et désespérée qui incrimine tout, le présent, l’avenir comme le passé. Si M. le colonel Stoffel dit vrai, que reste-t-il debout en France, et que peut-on espérer encore ? Rien en vérité. Qu’on soit sans illusion et sans faiblesse pour les infatuations populaires comme pour les fautes des hommes, rien de mieux ; mais enfin ce n’est point sous cette inspiration désespérée qu’on peut se mettre utilement à réorganiser notre armée, et ce n’est point dans cet esprit que l’assemblée abordera la grande discussion qui s’approche.

Les affaires financières ne sont pas moins pressantes pour le moment que la réorganisation militaire. Il faut combler les déficits créés par la guerre, assurer le service des intérêts des emprunts devenus nécessaires, proportionner en un mot nos ressources à nos charges nouvelles. Le gouvernement, on le sait, a proposé un certain nombre d’impôts dont le plus grave est un droit de 20 pour 100 sur l’entrée des matières premières. Si M. Pouyer-Quertier était seul à proposer cette taxe, ce ne serait rien encore ; mais ici M. Thiers apparaît comme la terrible arrière-garde de son ministre des finances. Or la commission du budget résiste jusqu’ici à cette proposition, dans laquelle elle voit, non sans raison, une menace pour le commerce français. Il faut cependant combler ce déficit béant. Les uns proposent une taxe sur les produits fabriqués, d’autres