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siècle que furent construits les laboratoires de l’École polytechnique et de la Sorbonne, qui devinrent le modèle et l’exemple de ceux du reste de l’Europe.

Les laboratoires actuels de chimie sont ceux dont l’extension et l’organisation laissent le moins à désirer, à l’étranger surtout. La chimie, étant la science qui rend le plus de services à l’industrie, qui a le plus d’influence sur la richesse publique, est plus que les autres encouragée par les gouvernemens. De fait, les laboratoires de chimie qui ont été récemment construits en Allemagne sont de véritables palais, et ceux que l’on a l’intention d’édifier à Paris seront aussi, dit-on, de beaux monumens. À la vérité, si ces établissemens n’exigent ni les décorations, ni l’architecture imposante d’un palais, ils en exigent du moins les dimensions. Nous sommes loin aujourd’hui des vieilles officines d’apothicaire. Rien n’est compliqué comme l’outillage du chimiste, ses besoins sont dispendieux ; il lui faut de la place, de l’air, de la lumière, et beaucoup d’appareils.

Entrons dans un laboratoire de chimie. C’est d’abord une salle spacieuse, bien éclairée, où de grandes tables s’étendent en face des fenêtres de manière à recevoir le jour directement. Ces tables sont divisées en deux moitiés par un corps de tablettes superposées qui reçoit une collection de flacons à réactifs, à portée de toutes les mains. On y exécute les petites opérations courantes au moyen d’ustensiles et de vases aux formes légères. Ici c’est un filtre placé sur un entonnoir qui laisse passer goutte à goutte un liquide clarifié, là c’est une capsule de porcelaine d’où s’échappent les vapeurs d’une solution qui doit être condensée, ailleurs un liquide qui bout à grosses bulles et dont les émanations sont dirigées dans un tube de verre baigné dans un courant d’eau froide. Le gaz, employé comme moyen de chauffage, l’eau qui sert comme dissolvant ou comme réfrigérant, sont amenés par des tuyaux de plomb qui circulent le long des murs et sous le plancher. L’eau et le feu sont ainsi dirigés sur la table à la portée de tous les travailleurs. Une niche à évaporation est creusée dans l’un des murs. C’est un âtre recouvert de dalles en pierre ou de carreaux en faïence et surmonté d’une cheminée dont le manteau vient s’élargir à la partie inférieure et donner appui à des fenêtres à coulisse pouvant servir à fermer l’espace compris entre la surface de l’âtre et la base de la cheminée. Cette niche sert aux opérations qui provoquent un dégagement de gaz ou de vapeurs nuisibles. Une autre pièce est le théâtre des expériences par le feu, des grandes calcinations qui s’effectuent dans des fourneaux chauffés au coke et dans des appareils où la combustion du gaz d’éclairage, alimentée par un courant d’air impétueux, produit une chaleur infernale. Plus loin, une cour sert aux opérations dangereuses. Elle comprend le « coin aux explo-