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II.

Tandis que M. Burlingame promenait en Europe son ambassade œcuménique, sir Rutherford Alcock travaillait en conscience à la révision du traité de Tien-tsin. Le moment était venu de s’occuper de cette affaire, car le traité, conclu pour dix années, venait à terme en 1860. Disons d’abord que la Grande-Bretagne, en prenant seule l’initiative de cette révision, s’exposait à un danger. Il était superflu de prétendre obtenir de nouveaux avantages sans compensation, car les Chinois sont trop habiles en diplomatie pour se laisser surprendre, et ils ne cèdent de bonne grâce qu’en présence d’une force supérieure. Or l’Angleterre n’avait alors dans le Pacifique du nord que les bâtimens de guerre dont se composent d’habitude les stations navales. D’autre part, les diverses conventions conclues entre la Chine et les puissances européennes assurent à chacune de celles-ci le traitement de la nation la plus favorisée. Un avantage gagné par l’Angleterre leur eût donc profité sans qu’elles fussent obligées d’accepter les charges correspondantes. Néanmoins il y avait tant de réclamations contre les clauses en vigueur, qu’il était nécessaire de tenter au moins de les améliorer dans un sens favorable.

Il importe de dire ce qu’est le commerce européen sur les côtes orientales de l’Asie, et c’est le cas de citer ici les chiffres que donne M. Jacques Siegfried, un de nos compatriotes de Mulhouse, qui a fait le tour du monde en 1868 avec l’intention d’étudier sur place les ressources commerciales des principales contrées du globe. Ces chiffres sont la mesure exacte de l’intérêt que les Anglais portent aux affaires de Chine, puisqu’ils n’ont pas, comme nous, à protéger dans ces parages une nombreuse clientèle de missionnaires et de prosélytes. Le commerce d’importation, qui déjà s’élevait à cette époque à 600 millions de francs par an, se partageait presque également entre Hong-kong et Shang-haï, et comprenait comme principaux articles des opiums pour 300 millions, des cotonnades pour 120 millions, des articles de laine pour 55 millions, des cotons bruts pour 40, des riz pour 30, des houilles et des métaux pour 25 millions. Les marchandises entreposées à Hong-kong et à Shang-haï sont vendues à des marchands indigènes, qui les introduisent le plus souvent par contrebande dans l’intérieur de l’empire, ou bien elles sont réexpédiées aux succursales que les grandes maisons de commerce ont établies dans l’un ou l’autre des quatorze ports secondaires ouverts par le gouvernement impérial aux négocians européens. L’exportation, qui s’élève au chiffre ap-