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turels de la justice internationale. Il n’y avait pas une race opprimée qui n’attendît de nous sa délivrance ou l’adoucissement de ses maux, qui ne sût que notre diplomatie la défendrait au besoin, si nos armes ne pouvaient la secourir. Ce noble rôle que le génie positif et dur de l’Allemagne prussienne ne jouera jamais, ce protectorat moral des états faibles, des populations asservies, il dépend de nous de le ressaisir encore malgré tous nos malheurs. Il ne s’agit pour cela ni de tirer l’épée hors de propos, ni de prendre en toute occasion une attitude menaçante. Qui donc oserait aujourd’hui conseiller à notre pays une politique belliqueuse ? Pour recouvrer l’autorité que nous avons perdue, il nous suffit de croire encore à la vertu qu’ont les principes dans les rapports des nations entre elles, d’en redevenir les représentans pacifiques, mais résolus, de donner une voix à toutes les plaintes de la conscience européenne, de ne laisser ni se tenter, ni s’accomplir sous nos yeux aucune entreprise violente contre la liberté d’un peuple sans rappeler aux forts les principes supérieurs de la morale éternelle. On reconnaîtra la France quand on n’entendra sortir de la bouche de ses diplomates qu’un langage humain et généreux, quand sa politique se confondra avec celle du droit, et lorsque, sans menaces, sans forfanterie, avec la seule force que donne le sentiment du devoir accompli, de la justice défendue, elle redeviendra en Europe la consolation de ceux qui souffrent, l’interprète de ceux qui espèrent.


A. Mézières.