même de la constitution définitive de la France ? Ce serait à coup sûr l’interprétation la plus étrange et la plus hasardée d’une manifestation populaire. Il suffit d’interroger un instant le résultat de ce scrutin pour en démêler le sens. Le fait est que la plupart des candidats, le général Faidherbe lui même aussi bien que les poursuivans les plus obscurs de la députation, se présentaient en arborant le drapeau de la république avec M. Thiers. La plupart, bien loin de mettre d’avance l’institution républicaine au-dessus de la souveraineté nationale, réservaient expressément les droits de cette souveraineté. La plupart se sont offerts au pays et ont été élus pour soutenir le gouvernement actuel, le pacte de Bordeaux, cette trêve des partis qui est la condition première d’une réorganisation impartiale et désintéressée de la France. Le scrutin du 2 juillet ne change donc point essentiellement la situation actuelle telle qu’elle a été faite par les événemens ; il l’équilibre pour ainsi dire, et il l’assure un peu mieux. Sans modifier l’assemblée dans son esprit, ni même dans sa majorité, il la pacifie en quelque sorte, il donne une force de plus à cette trêve de bien public que M. Thiers a l’heureuse fortune de personnifier, et que personne ne romprait impunément. Ce ne sont pas les monarchistes qui pourraient y songer au lendemain du scrutin du 2 juillet et du manifeste de M. le comte de Chambord, ce ne sont pas non plus les républicains qui dans leur impatience oseraient toucher à ce pacte qu’ils ont si souvent invoqué comme une garantie. Ceux qui prendraient l’initiative d’une telle rupture assumeraient dans tous les cas une terrible responsabilité et risqueraient très fort d’être désavoués par le pays, car ce que le pays demande aujourd’hui de toute la force de ses intérêts et de ses instincts, ce n’est point certainement qu’on irrite ses plaies par des agitations factices, par des conflits passionnés ; ce qu’il demande à ses représentans comme à son gouvernement, c’est de travailler incessamment, obstinément à le relever, en ayant toujours présente à l’esprit cette pensée qu’une partie de notre territoire reste occupée par l’ennemi, et que chaque négligence, chaque fausse démarches chaque déclamation inutile ajoute aux maux de nos provinces qui sont encore livrées à l’invasion étrangère.
La fortune, une fortune étrangement sévère pour nous, s’est plu à rassembler dans un court espace de temps de telles catastrophes, de telles surprises, qu’on s’aperçoit à peine de l’imprévu et de la grandeur des choses. Avez-vous rapproché un instant par la pensée tout ce qui s’est accompli en Europe dans ces douze mois dont la dernière heure sonne aujourd’hui ? C’est la plus prodigieuse accumulation d’événemens, de révolutions morales et politiques ; c’est une année qui n’a peut-être point son égale dans les siècles, si on calcule tout ce qu’elle, aura vu passer. Comptez en effet : en ces quelques mois, un empire d’Allemagne est reconstitué sous une maison souveraine qui n’existait même pas lors-