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devant Dieu et devant les hommes leurs vœux ardens pour le triomphe du peuple français, et de contribuer à l’entretien de la phalange hellénique pour payer ainsi leur dette de sang envers la France, et pour montrer que les vertus antiques se conservent toujours parmi les descendans des anciens Grecs. »


Quelques jours plus tard, les signataires de ce manifeste adressaient un appel aux négocians et aux banquiers hellènes de toutes les parties du monde en les invitant à se cotiser pour entretenir de leurs deniers les combattans grecs, tant que ceux-ci resteraient sur le sol français. Dans un langage où l’on cherchait à reproduire encore une fois l’élévation du style antique, la France y était appelée « la grande bienfaitrice des peuples et de l’humanité, la Grèce de l’Occident. » L’esprit et l’idiome des vieux Phocéens se perpétuent ainsi de siècle en siècle dans la ville qu’ils ont fondée, sans qu’aucune vicissitude altère chez leurs descendans les traits du caractère national, et diminue leur attachement pour la mère-patrie. Sous la domination romaine, sous les Arabes, sous les comtes de Provence, sous nos rois, l’indestructible vitalité de la race persiste ; le Grec s’isole de ses vainqueurs, il garde, comme le Juif, sa physionomie distincte, il s’enferme dans la piété de ses souvenirs et dans le respect du passé. Après les révolutions politiques les plus violentes, le Grec survit à toutes les guerres et à toutes les conquêtes. Il a beau habiter la France, l’Angleterre, les États-Unis, il n’est devenu ni Français, ni Anglais, ni Américain : la Grèce reste sa première patrie, c’est au nom de ses pères, c’est dans leur langue qu’il parle et qu’il fait acte de citoyen.

Dès leur arrivée en France, les volontaires se mettaient à la disposition des autorités françaises, qui les distribuaient dans les différentes armées. Les uns rejoignirent l’armée des Vosges, les autres l’armée de la Loire, d’autres suivirent Bourbaki dans sa campagne de l’est, beaucoup furent envoyés dans le corps international de l’Étoile, qui s’organisait à Lyon. La plupart étaient des hommes résolus, quelques-uns faisaient un sacrifice douloureux en quittant leur pays. Il y avait parmi eux des pères de famille qui avaient tout abandonné pour s’enrôler sous notre drapeau. M. Gennadios vit venir un jour chez lui, à la suite d’une proclamation qu’il avait adressée au peuple hellène, un propriétaire d’Éleusis, marié, père de plusieurs enfans, qui demandait à partir pour la France. Refusé à cause de son âge, il s’embarqua furtivement le soir même, et le lendemain, du navire sur lequel il avait pris place, il écrivit à M. Gennadios pour lui recommander sa famille. Celui-là put revoir les siens ; il en fut quitte pour une blessure reçue à l’armée des Vosges. D’autres