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maison s’empressent à vous servir. Votre hôte vous parle de la Grèce, de la tyrannie des Turcs, de la grande idée. À quoi s’est passé tout le jour ? À mieux comprendre les Grecs anciens en écoutant les descendans de Périclès et de Thucydide.


22 septembre.

Retour à Rodosto. Quand on a visité un certain nombre des villes ou villages grecs des environs, on peut négliger les autres. Les Grecs connaissent bien tous les lieux de ce pays qu’occupent les leurs, et vous donnent des renseignemens qui suffisent. La variété du reste n’est pas le caractère de ces petites communautés. Ainsi Midia et Derkos sur la Mer-Noire, villes du sandjak de Tekfourdaghi, de même que Vyza, doivent ressembler beaucoup à Rodosto. Depuis le Bosphore jusqu’aux Dardanelles, ou trouve une vingtaine de gros villages presque exclusivement grecs, à peu près tous bâtis sur l’emplacement de colonies antiques. — Beaucoup conservent, du moins pour les chrétiens, leurs noms primitifs ; les noms turcs ne sont en usage que dans les relations avec l’autorité. Tcharkeni s’appelle Tiristasis, Eregli Heraclea, Silivri Selymbria, et ainsi des autres. Dès le VIe siècle avant notre ère, il y a plus de 2,000 ans, les Hellènes étaient venus s’établir dans cette partie de la Thrace. Les barbares occupaient l’intérieur du pays, comme aujourd’hui les Turcomans et les Slaves ; ces cités avaient pour elles la mer, qui était leur domaine, et quelques champs autour de leurs murs. Leur histoire est inconnue. Il n’est pas difficile de s’imaginer au milieu de quelles préoccupations s’écoulait leur vie. Leur organisation politique ne différait guère de ce que nous voyons aujourd’hui. Le receveur des impôts ne venait pas une fois par an, il est vrai, chercher la dîme ; mais il fallait compter avec les rois odryses, qui étaient les Turcs de ce temps. Beaucoup de ces cités devaient un tribu régulier ; moyennant cette redevance, elles restaient libres chez elles. Les habitans faisaient le commerce : ils étaient comme aujourd’hui les intermédiaires des hommes de l’intérieur et des marchands étrangers. Chaque cité avait ses archontes, son sénat : c’étaient les notables et les proëdres (présidens) d’aujourd’hui. La religion, les écoles, le commerce et les beaux discours restaient comme maintenant la grosse affaire. Chaque année, quelques jeunes gens s’en allaient courir le monde, soit pour s’enrichir, soit pour entendre les philosophes à Nicomédie, à Nicée ou à Athènes.

On ne saurait vivre dans toutes ces villes sans reconnaître combien les Grecs se modifient peu. La persistance de ce peuple à garder ses caractères est un des faits qui frappent le plus en Orient ; comme les Juifs, il est immortel. Voici cette côte par exemple ; que d’invasions n’a-t-elle pas subies ! Dans l’antiquité, ces cités si éloi-